Lars Gerson : « Footballeur, le plus beau métier du monde » 

Taulier de la sélection depuis plus d’une quinzaine d’années, Lars Gerson est inamovible au sein des Roud Léiwen depuis des lustres. Le défenseur polyvalent, qui est passé par toutes les émotions au sein de l’équipe nationale, fait le bilan de sa carrière personnelle, en club, et évidemment dans le groupe de Luc Holtz. 

As-tu grandi dans une famille de sportifs ?

Mes parents ont tous les deux fait beaucoup de handball. Mon père a fait des matchs avec la sélection du Luxembourg, et ma mère était aussi très forte. Elle était d’ailleurs très proche d’être prise dans l’équipe nationale norvégienne, qui était d’un très haut niveau. Elle est ensuite venue au Luxembourg pour travailler et a alors mis sa carrière sportive de côté, même si elle a continué à jouer au Grand-Duché.

Qu’est-ce qui t’a finalement fait préférer le football au handball ?

J’ai joué au handball jusqu’à onze, douze ans. Je faisais les deux, mais j’adorais le football. J’ai commencé à Bettembourg quand j’habitais au Luxembourg. Quand j’avais huit ans, on est partis en Norvège avec ma mère, et le foot m’a toujours suivi. Passé un moment, il a fallu choisir entre les deux, et c’était clair que je préférais quand même le football.

Tu as toujours joué dans des positions défensives, ou étais-tu plus haut sur le terrain, plus jeune ?

J’ai commencé attaquant et milieu offensif comme beaucoup de jeunes joueurs ! Et puis, au bout d’un moment, certains sont plus forts que toi, donc tu dois redescendre d’un cran (rires) ! J’ai été milieu central pendant un certain temps tout de même, avant de vraiment me transformer en défenseur central vers 2017-2018. Le fait d’avoir évolué plus haut sur le terrain me permet aujourd’hui d’avoir certaines qualités, comme le calme avec le ballon.

Comment te définirais-tu en tant que joueur ?

Comme un joueur calme, qui aime jouer au football vers l’avant et au sol, avec beaucoup de joie. Il faut toujours prendre du plaisir. C’est la meilleure chose au monde de jouer au foot quand on est petit, et c’est important selon moi de garder cette même mentalité. J’aime aussi faire de bonnes passes et mettre mes coéquipiers dans les meilleures dispositions. Et je me considère comme travailleur.

Tu as une certaine polyvalence, mais as-tu une position préférée sur le terrain ?

Ces dernières années, je trouve quand même que mon meilleur poste est en défense centrale, même si je peux toujours dépanner ailleurs. Mais le temps et l’âge font que maintenant, j’évolue quasiment toujours dans l’arrière-garde. C’est là où je resterai jusqu’au bout, à mon avis.

La polyvalence est toujours perçue comme un avantage, mais peut-elle aussi devenir une complication, dans le sens où un entraîneur peut te dire : « Aujourd’hui t’es ici, demain t’es là-bas », ce qui peut être difficile pour la continuité ?

Oui, je pense en effet que cela peut compliquer certaines choses, mais je vois cela avant tout comme une force. J’ai presque toujours été titulaire ce qui, finalement, est ce que l’on veut le plus. Cette polyvalence m’a apporté beaucoup, et m’a permis d’être plus complet.

Tu as fait quasiment toute ta carrière en Scandinavie. Est-ce un plaisir ou y a-t-il des petits regrets de ne pas avoir vécu d’autres aventures ?

C’est difficile de répondre. Ai-je des regrets ? Je ne sais pas. J’ai été très heureux partout où j’ai évolué en Scandinavie. J’ai toujours eu de très bonnes relations avec mes coéquipiers, le staff, tous les gens dans et en dehors des clubs. J’avais toujours le rêve d’essayer quelque chose un peu plus vers le sud, et j’ai généralement mis une clause dans mes contrats pour avoir l’occasion de partir en cas de possibilité. Mais cela ne s’est pas fait à cause d’agents – en particulier un – qui n’étaient pas nécessairement de bons gars. J’ai mis du temps à m’en rendre compte, mais là, il y a en effet un regret.

Tu parles d’agents. Quelle est selon toi leur importance dans la carrière d’un joueur ?

Elle est grande, je pense. Si je prends mon exemple, si mon agent avait eu de meilleurs contacts ou travaillé plus, après avoir joué quasiment tous les matchs pendant six ou sept saisons en Suède, il aurait dû y avoir plus de possibilités. Et je ne voulais pas choisir une équipe en fonction des arguments financiers. J’ai priorisé l’aspect sportif. Je regretterai peut-être plus tard de ne pas m’être plus mis à l’abri, mais je pense quand même que l’essentiel demeure de s’être amélioré et d’avoir joué le plus de matchs.

Malgré un faible temps de jeu, retiens-tu ta pige au Racing Santander, en Espagne, comme une belle expérience ?

C’est compliqué. J’ai signé là-bas après la fin de la saison en Suède, et j’étais resté un peu trop longtemps sans club. Sans présaison, cela a été difficile de me remettre au niveau sur le plan physique. Je pensais être plus en forme que cela. Et après, je me suis blessé, le club n’a pas réussi à monter… Maintenant, cela reste une belle expérience, une très belle ville, un autre style de football qui me plaît particulièrement. C’était toujours très impressionnant d’assister à tout cela.

Tu es revenu à Kongsvinger récemment. Peut-on parler de choix du cœur ?

J’étais à Brann, et c’est vrai que c’était compliqué puisque je suis arrivé blessé, et dès mon premier match, nouvelle blessure… C’était un grand club qui est descendu à ce moment-là, et qui évoluait donc dans la même division que Kongsvinger, mon ancien club. Ils se sont montrés intéressés à l’idée de me prendre, quand bien même j’étais blessé, et m’ont proposé de m’inscrire dans la durée dans un rôle d’entraîneur au sein du club après ma carrière. Cela me plaisait beaucoup, il y avait l’objectif de remonter dans l’élite, une ambition, et on m’offrait un vrai rôle. J’ai pu me remettre sur pied dans la sérénité, à mon rythme, c’était très important pour moi.

Tu es dans la sélection depuis maintenant très longtemps. Prend-on naturellement un rôle de conseiller, de mentor pour les plus jeunes, ou pas nécessairement ?

J’essaie d’accorder à tout le monde la même importance et le même niveau d’attention. Si je peux aider quelqu’un je le fais, évidemment, mais je ne vais pas nécessairement essayer de changer ma personnalité.

Après plus de dix ans avec le même sélectionneur, comment réussit-on à rester toujours réceptif aux messages qu’il essaie d’inculquer ?

On a fait un sacré bout de chemin ensemble. Le coach et moi, nous savons où l’on va, qui nous sommes, ce qui peut nous aider en tant qu’équipe… Cela a toujours bien fonctionné et je suis très heureux d’avoir le parcours que j’ai eu au sein de la sélection. Et évidemment, je suis content de toujours être là. Le sélectionneur a tout le temps évolué, demandé beaucoup de travail, d’engagement, et a réussi à nous transmettre son rêve de faire quelque chose de grand. Et aujourd’hui, on est dans une situation très intéressante…

Quelles sont les plus grandes différences entre la sélection de tes débuts et celle d’aujourd’hui ?

C’est devenu 100 % professionnel. Il n’y a rien qui manque autour du joueur. Que cela soit l’alimentation, les soins, les traitements, les GPS, tout le système autour est dorénavant au top niveau. Chaque année, on s’est améliorés. Aussi, quand j’ai débuté dans la sélection, il y avait Mario Mutsch, Jeff Strasser et moi à l’étranger, tandis que tous les autres évoluaient au Luxembourg. Aujourd’hui, c’est tout le contraire ! Cela permet d’avoir un groupe dans l’ensemble bien plus fort qu’avant. Et l’entraîneur a toujours su renouveler le groupe en impliquant des jeunes, en n’hésitant pas à lancer des nouveaux. Cela crée un vrai sens de la compétition, de la concurrence, qui élève le niveau global. Je sais très bien que je dois donner le meilleur de moi-même, sinon je ne serais plus là !

Vit-on toujours avec la même intensité la joie et la tristesse d’être titulaire au bout de tant d’années, ou apprend-on à relativiser ?

C’est compliqué. Je pense que la joie et la tristesse restent les mêmes. On a toujours envie de jouer et ce désir de commencer les matchs. Maintenant, ces dernières années, que cela soit à cause de blessures ou d’une forme qui n’est pas à 100 %, j’ai compris et accepté que mon rôle puisse aussi être d’entrer en jeu et d’apporter quelque chose à ce moment-là. J’avais plus de certitudes d’être titulaire avant, mais c’est le football. On doit donc accepter le rôle que l’on a, l’embrasser, et tout donner à tout moment.

Les 100 sélections, c’est un objectif ?

Sincèrement, pas trop. Il ne faut pas le voir comme ça. Évidemment, cela serait magnifique, mais il faut savoir simplement penser au prochain match. Si tu as la tête à des records, aux rencontres à venir, cela risque de te prendre la tête, et cela peut être compliqué sur la pelouse.

Cette claque face au Portugal, on passe vite à autre chose ?

Il faut essayer, on n’a pas le choix. J’en ai déjà pris d’autres au sein de la sélection, même si en effet ces claques ne viennent plus aussi souvent que par le passé. C’est sûr que cela fait du mal, mais si on reprend la défaite à domicile contre le Portugal, on a très bien su rebondir. Après le match, oui, c’était dur… On a vraiment essayé, mais c’était un jour sans… Il faut simplement éviter que cela se reproduise de nouveau.

Ces quelques jours à venir avec ces matchs contre l’Islande et la Slovaquie sont-ils les plus importants de l’histoire de la sélection ?

Peut-être, oui. J’essaie de ne pas trop y penser de cette manière-là. On sait que ce sont des matchs très importants. On va commencer simplement avec l’Islande, un match très difficile, dans des conditions de froid, venteuses, et un vrai combat physique. D’abord, il faut se focaliser là-dessus.

Peut-on réussir à ne pas rêver quand on s’approche d’une potentielle qualification pour un Euro ?

Peut-être que je n’ai pas encore réalisé que c’est possible, mais je ne suis pas trop dans cette optique. Tout ce qu’il faut faire c’est se concentrer, tout donner, et on verra si cela sera possible après.

Quand bien même, au moment du tirage, la qualification n’était pas un objectif, la situation a bien changé… Dans ce contexte, ne pas accéder à l’Euro 2 024 serait une déception ?

Oui. Il n’y a pas de problème à être déçu si on n’y arrive pas. On a une sacrée opportunité devant nous. Comme je l’ai dit, on a un coach qui nous transmet ses rêves, croit depuis toujours en nous, et nous a toujours fait croire en la possibilité de réussir quelque chose, y compris lorsqu’on avait un moins bon groupe et des adversaires plus corsés. Aujourd’hui, tout le monde tire dans la même direction, veut y croire, et donne le maximum pour le faire. On va jouer l’Islande, qui a réussi cet exploit en 2016 et qui a montré que c’était possible. Si eux l’ont fait, alors pourquoi pas nous ?

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