Groupe B : La géopolitique s’invite sur le terrain

Il s’agit certainement là du groupe le plus « politique » de cette Coupe du monde. Angleterre, États-Unis, Pays de Galles et surtout… Iran. Il sera en effet difficile de se concentrer uniquement sur l’aspect sportif et de ne pas penser à la révolte qui secoue le pays des mollahs depuis plusieurs semaines ainsi qu’à la terrible répression mise en place pour la mater. Sans parler de la détestation historique entre le régime et les États-Unis.

L’enjeu sportif existera bien dans ce groupe B, évidemment, avec la présence du dernier finaliste de l’Euro, l’Angleterre, pays inventeur du football qui a inscrit ce sport tout en haut de son patrimoine culturel. Et comme à chaque fois, malgré les doutes et l’historique des Anglais en compétition internationale, ils feront partie des outsiders, à défaut de faire partie des favoris.

Mais on pourra difficilement occulter l’extrasportif dans ce groupe, surtout quand la sélection iranienne pénétrera sur la pelouse. Depuis la mort de Masha Amini, tuée par la police pour n’avoir pas porté son voile correctement, le 16 septembre dernier, le pays est en proie à une profonde révolte provenant d’abord des femmes, rapidement rejointes par les hommes. Aujourd’hui, c’est le régime même des mollahs qui est remis en question et qui a décidé de réprimer violemment le mouvement, causant déjà des centaines de morts. Et les footballeurs iraniens ne sont pas restés neutres : lors d’un match amical contre le Sénégal le 27 septembre, joué à huis clos en Autriche, ils ont décidé de porter une parka noire pendant les hymnes en signe de soutien aux manifestants. Certains n’ont pas hésité à s’exprimer de façon très virulente sur les réseaux sociaux, comme Sardar Azmoun, se moquant d’éventuelles représailles : « Un petit prix à payer pour ne serait-ce qu’une seule mèche de cheveux d’une femme iranienne. Je n’ai pas peur d’être évincé. Honte à vous d’avoir si facilement tué le peuple et vive les femmes d’Iran », a-t-il ainsi déclaré.

Hasard des tirages au sort, l’Iran sera opposé… aux États-Unis, ennemi historique avec qui les relations diplomatiques sont rompues depuis 1980. La dernière fois que les deux nations se sont affrontées dans une compétition internationale, c’était à la Coupe du monde 98 en France. À l’époque, l’avant-match avait marqué les esprits : les deux équipes avaient décidé de dépasser les clivages et de poser ensemble pour la photo, les Iraniens offrant même des fleurs blanches aux Américains. Sur le terrain, l’Iran s’était imposé 2-1. Tout le monde – sauf le régime des mollahs certainement – espère voir les mêmes images de fraternité le 29 novembre prochain.

Sur le plan sportif, il est difficile d’établir une véritable hiérarchie derrière l’Angleterre, et ce groupe peut donner lieu à quelques surprises. Les coéquipiers d’Aaron Ramsey ont vécu une piètre Ligue des nations, terminant à la dernière place avec un seul petit point derrière les Pays-Bas, la Belgique et la Pologne. Mais pour les États-Unis, difficile de se faire une idée précise du niveau quand les larges victoires ont lieu face au Honduras, au Salvador ou au Panama, alors que c’est tout de suite plus dur face à des nations comme le Costa Rica, le Canada ou le Mexique (même si les Américains ont remporté quasiment à chaque fois une des deux confrontations, sauf contre les Canadiens avec une défaite et un nul). Quant aux Iraniens, ils paraissent plus faibles, même s’ils sont capables de se surpasser sur 90 minutes.

L’Angleterre… as usual

C’est un peu toujours la même chose avec les Anglais. À chaque fois, on se dit que c’est leur année, et à chaque fois ils déçoivent. Un peu moins lors du dernier Euro où la bande d’Harry Kane est parvenue à se hisser en finale, chez elle. Mais dans son stade de Wembley, devant son public, le jeu proposé dans ce moment clé a été proche de l’indigence, et les Italiens en ont profité pour l’emporter et soulever le trophée. Alors on se demande quand le pays qui héberge le meilleur Championnat du monde va de nouveau gagner un titre sur la scène internationale… La dernière et l’unique fois remonte à la Coupe du monde 1966, ça commence quand même à faire long.

Avec leur effectif, ils ne peuvent qu’occuper la place de favori du groupe. Il faudra quand même se secouer un minimum, davantage que lors de la Ligue des nations où les Three Lions ont terminé bons derniers de leur groupe avec trois petits points derrière l’Italie, la Hongrie et l’Allemagne. Ils ont alors été relégués en ligue B, ce qui la fout mal. Ils devront se passer de Reece James, le latéral droit s’étant blessé au genou contre le Milan AC en Ligue des champions, et peut-être de Kyle Walker, opéré de l’aine début octobre et incertain pour ce Mondial. Dur dur, surtout quand on sait que l’arrière-garde anglaise n’est pas la plus fiable du monde, avec des Luke Shaw ou Harry Maguire adeptes de la boulette qui peut plomber un match. Devant, et sauf tuile de dernière minute, les artilleurs seront bien là : Kane, Saka, Abraham, Sterling, Grealish… de quoi donner tout de même quelques sueurs froides aux défenses adverses. Ce sera à un Gareth Southgate – déjà sur la sellette pour l’après-Mondial – de trouver la bonne formule. Pour ramener, enfin, la coupe à la maison ?

Pays de Galles : un petit tour et puis s’en va ?

C’est la première fois depuis 1 958 que le Pays de Galles participe à une phase finale de Coupe du monde. Dans quel état et pour quel résultat ? Difficile à dire. Bons derniers de leur groupe de Ligue des nations derrière les Pays-Bas, la Belgique et la Pologne, avec un seul petit point et cinq défaites au compteur, il ne dégage pas une force et une confiance qui poussent à l’optimisme, si l’on se fie à ses dernières performances. Sa principale gâchette, Gareth Bale, s’est en plus blessé fin octobre avec son club du Los Angeles Football Club, même si cela ne devrait pas l’empêcher de s’envoler pour le Qatar.

États-Unis : le rêve… ou le cauchemar américain ?

Un 0-0 contre l’Arabie Saoudite, une défaite 2-0 face au Japon, un match nul 1-1 contre le Salvador… Les derniers résultats de l’équipe américaine ne sont pas vraiment rassurants et de bon augure avant le début de cette Coupe du monde. Tentant de développer un jeu basé sur un gros pressing et un jeu de passes rapides, les joueurs de Gregg Berhalter restent finalement trop souvent muets devant le but et rendent leur possession trop stérile. Difficile dans ces conditions d’espérer égaler le meilleur résultat de leur histoire à une Coupe du monde : 3e en 1930. Mais avec un Pays de Galles pas plus en forme et une équipe d’Iran prenable, sortir du groupe n’est pas totalement exclu… Impossible is nothing.

Iran : vraiment la tête au football ?

Sur le plan sportif, il est toujours difficile de jauger correctement les équipes de la zone Asie. Peut-être encore plus avec cet Iran qui, dans ses éliminatoires, était opposé à l’Irak, la Syrie, le Liban… des pays ravagés par la guerre. On peut retenir peut-être ce bon match nul, 1-1, contre la Corée du Sud le 12 octobre 2021, ou une victoire 1-0 contre l’Uruguay le 23 septembre dernier. Les joueurs iraniens auront-ils, de toute façon, la tête au football avec la révolte et la répression en cours dans leur pays ? Nombre d’entre eux ont pris position publiquement pour dénoncer la situation. Leurs adversaires devront néanmoins se méfier : ce même contexte pourrait insuffler à cette équipe un supplément de rage et de motivation. L’histoire montre que cela peut jouer sur un match de football.

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