Dylan Pereira : la vie en rose

Quelques semaines après son titre en Porsche Supercup, Dylan Pereira nous recevait au sein du garage de son père Guillaume, dont une partie est entièrement consacrée à exposer la carrière du pilote luxembourgeois aux visiteurs, entre ses anciens kartings, les photos de ses podiums, une fresque et aussi ses trophées, auxquels vient de s’ajouter celui de champion en Supercup.

Dylan, comment as-tu vécu les dernières semaines depuis l’obtention de ton titre ?

Cela faisait quelques années que j’essayais et j’ai réussi à le faire. C’est difficile de réaliser, encore aujourd’hui. Il y a tellement de personnes qui m’ont écrit, qui m’ont vu à la télé, et ils sont là pour me le rappeler. Mais il reste encore la Carrera Cup que je veux finir de la meilleure manière possible. 

Parmi tous les messages de félicitations que tu as reçus, y en a-t-il un qui t’a plus ému ou plus surpris ?

Non pas vraiment, mais j’en ai reçu tellement que je ne me souviens pas de tous ! J’ai dû avoir mille messages sur Instagram et tout cela ! Mes sponsors aussi m’ont félicité, et après toutes ces années à mes côtés, ils sont devenus comme une famille pour moi. Grâce à eux, j’ai fait tout ce chemin et on a réussi ensemble. Pour moi, c’est un grand plaisir de donner après tout ce que j’ai reçu. 

À Monza, la fête devait déjà être belle, avec toute l’équipe ?

Porsche organise toujours une soirée de fin de saison là-bas, mais ce n’était pas la fête à laquelle nous étions habitués ces dernières années. On a mangé au restaurant et c’était plutôt tranquille. Mais en rentrant au Luxembourg le lundi suivant la course avec mes copains et la famille, on a bien fêté.

Pour en revenir à la compétition, cette saison, tu as gagné trois courses, à chaque fois en partant de la pole position. Est-ce devenu vraiment difficile avec les nouvelles voitures (arrivées en 2021) de doubler en Porsche Supercup ?

C’est beaucoup plus difficile de doubler avec les nouvelles voitures par rapport aux anciennes. Il y a beaucoup plus d’aérodynamique, et quand tu roules derrière quelqu’un, tu perds beaucoup d’appuis. Si tu n’es pas vraiment plus rapide que la voiture qui te précède, cela sera très difficile de dépasser. Mieux vaut partir en pole position alors, mais si tu pars troisième ou quatrième, ce sera vraiment compliqué, même si tu es plus rapide que les autres. En arrivant à un mètre de la voiture, tu perds de l’appui, c’est comme en F1, mais eux ont le DRS et peuvent quand même dépasser même s’ils se retrouvent à 200 m derrière. (Rires) 

Finalement, si on veut doubler, il faut forcer les autres à faire des erreurs ?

Oui, c’est surtout cela. Mais c’est tellement serré et dur de faire la différence ; avant, les petites touchettes étaient tolérées, mais maintenant moins. C’était un championnat plus serré par rapport aux autres années, tout le monde était plus agressif pour pouvoir gagner. 

On a l’impression qu’il y avait plus de prétendants à la victoire que les autres saisons ?

Oui, parce que jusque tard dans la saison, cinq pilotes pouvaient encore être champions, c’était vraiment serré. Il fallait faire des courses sans erreur, finir toujours dans les cinq premiers comme je l’ai fait, sinon on perd trop de points et c’est impossible de gagner. Normalement, les années précédentes, avec une ou deux victoires, tu gagnais le championnat, mais cette année, il fallait en gagner plus pour faire la différence. Et voilà, à la fin je gagne avec 10 points d’avance, et 10 points ce n’est pas rien. 

En 2020 aussi tu avais réalisé une belle saison, avec deux victoires au début avant de connaître des courses plus compliquées ensuite. L’expérience de ces moments t’a-t-elle servi afin de mieux gérer?

2 020, c’était un peu différent de cette saison. Cette année, j’étais premier, car la vitesse était vraiment là. En 2020, j’ai gagné des courses et fait des podiums, mais si tout allait bien pour Larry (NDLR ten Voorde), c’est lui qui était devant, et cette année c’est l’inverse. Il est certain que l’expérience sert afin de ne pas répéter les mêmes erreurs et de rester dans la bagarre jusqu’à la fin. À Monza, avant la dernière course, même si j’avais de l’avance, je savais que je devais tout donner pour marquer des points, parce qu’on ne sait jamais ce qu’il peut se passer. 

Revenons à la saison passée, une année où tu étais vraiment sur tous les fronts en participant à trois championnats différents…

C’était une saison où je voulais me montrer dans différents championnats, je voulais démontrer que j’étais rapide sur des courses comme Le Mans. La Supercup était tout de même la priorité, mais sur les huit courses, je n’en ai pas terminé 5 à cause d’accidents ou de problèmes mécaniques. À ce niveau-là, ce n’était pas la meilleure des saisons, mais on apprend beaucoup dans ces moments. 

En 2021, il y a eu aussi cette victoire mémorable à Spa sous la pluie, tu nous racontes ?

Oui, on a bien géré sous la pluie, j’étais déjà deuxième en qualifications. Et puis Spa, c’est une piste que je connais vraiment bien, même s’il pleut je sais quoi faire. Et là il pleuvait vraiment beaucoup, avec l’aquaplanning dans les lignes droites, cela passait juste. J’avais déjà testé sous la pluie, et j’avais trouvé un réglage qui fonctionnait bien. Et il y a eu cette bataille avec Güven qui était également rapide. C’était chaud avec lui dans le Raidillon, quand je suis passé à l’extérieur. (Rires) Mais si jamais par exemple j’avais joué quelque chose à ce moment-là au championnat, j’aurais peut-être roulé différemment. 

Est-ce la plus belle de tes victoires en Supercup ?

En fait, je dirais que cette année, Imola et Spa ont été deux victoires importantes. À Imola, on était bons à chaque sortie en piste, je voulais montrer d’entrée que j’étais là, que je voulais dominer cette année. J’ai fait la pole sur le sec, et sur le mouillé on a gagné quand même. Je voulais faire un statement comme on dit en anglais. C’était vraiment important. Ensuite, à Spa, je crois que personne n’a jamais gagné avec autant d’avance. Huit secondes en douze tours, c’est beaucoup en Supercup.

Nous sommes à la mi-octobre, en sais-tu plus sur ton avenir à l’heure actuelle ?

Non pas trop, on essaye de voir, de changer de catégorie, et j’aimerais bien rejoindre le WEC ou l’IMSA en Amérique. C’est ce qui m’attire, mais c’est difficile. Quand on est champion, les portes sont demi-ouvertes ensuite, et il faut arriver à les ouvrir totalement. J’aimerais devenir pilote officiel, et si j’arrive à faire cela je serai déjà content. 

Le développement de la catégorie Hypercar – avec l’arrivée de constructeurs comme Lamborghini, qui appartient au même groupe que Porsche – n’est-ce finalement pas l’opportunité rêvée ?

Je ne suis pas uniquement fixé à Porsche, même si beaucoup le croient. Je suis ouvert à toutes les marques qui seraient intéressées, mais oui, l’Hypercar, j’aimerais y arriver. Clairement, pour moi c’est le futur. Si ce n’est pas l’année prochaine, et même si je devais attendre 2024 pour avoir un contrat, ce serait une grande nouvelle. 

Aller courir aux États-Unis, cela te brancherait aussi donc ? 

Oui, car l’Amérique c’est différent de l’Europe. Il y a plus de sponsors, plus de spectateurs, plus de médias, plus de tout ! Si tu gagnes, tout le monde te félicite et te suit sur Instagram. Ici au Luxembourg, j’ai dû en gagner 100 après ma victoire à Spa. (Rires)

Parmi les nombreux pilotes luxembourgeois du passé et actuels, on peut dire que tu occupes désormais une place de choix, si l’on devait établir une hiérarchie. Peut-être même la première si l’on se fie à ton palmarès et tes victoires. Ce statut est-il important pour toi ?

C’est clair que cela fait plaisir de savoir qu’aucun pilote luxembourgeois n’avait réussi à faire cela avant. Ça motive encore plus. En Allemagne, c’est difficile d’être le meilleur, car il faut au moins être huit fois champion du monde de F1 ! (Rires) C’est juste dommage selon moi que la Porsche Supercup ne soit pas plus valorisée. Maintenant, le plus important c’est de continuer à donner le meilleur de moi-même et d’ouvrir les portes à des jeunes luxembourgeois qui viendront dans le futur. 

Justement, on peine à trouver le prochain Dylan Pereira…

Oui, il n’y a personne. Je fais du coaching avec certains pilotes, mais je ne vois pas assez de volonté chez eux. Il faut en vouloir, c’est un travail, il faut être à 100 %, travailler tous les jours. C’est 90 % de frustration et de moments où l’on n’est pas satisfait de soi-même, mais il faut travailler encore. Et quand tu gagnes, tu es content pendant une heure ou deux, mais tu dois déjà repartir faire des centaines de kilomètres vers la maison ou la prochaine course. 

Ton programme hivernal sera-t-il le même que les précédents ?

Ce sera un peu moins chargé que les années précédentes. Mon plus gros travail c’est de trouver quelque chose pour l’année prochaine, et à ce niveau-là, j’ai beaucoup à faire durant l’hiver. 

Cette saison, un de tes coéquipiers, un rookie, a surpris par ses performances, c’est le Danois Bastian Buus, que penses-tu de lui ?

C’est un jeune qui n’a rien à perdre, mais il a encore beaucoup à apprendre. Il est vite, je me revois en lui, j’étais rapide, mais je faisais des erreurs aussi. Et en Allemagne, en Carrera Cup, il a un peu plus de mal qu’en Supercup, car il faut adapter son pilotage. Savoir préparer une voiture c’est important, il faut savoir pourquoi on est rapide et pas seulement se contenter de la vitesse. Mais c’est un pilote alerte, qui va apprendre au contact des autres. 

La Porsche Supercup se dispute toujours en lever de rideau des GP de Formule 1, as-tu parfois l’occasion de discuter avec des pilotes de F1, et plus particulièrement ceux de la même génération que toi comme Charles Leclerc ou Max Verstappen ?

Cela dépend si tu gagnes la course ou pas. (Rires) Dans ce cas, on est invités dans le Paddock Club de la F1. Sinon, c’est très difficile d’y avoir accès. Mais je connais bien Verstappen parce que l’on a roulé en karting ensemble, Nyck de Vries également. 

Nyck de Vries, qui est l’exemple parfait qu’un petit évènement peut faire basculer une carrière…

Oui, il a fait une superbe performance à Monza qui lui a ouvert des portes. Mais parfois, on peut performer et ne pas être remarqué. Comme en WEC l’an passé ou j’ai fait le meilleur tour en course de la catégorie GTE aux 24 h du Mans, mais cela ne m’a pas ouvert de portes pour le futur…  

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