Alexandre Benedetti : « On a un besoin de professionnalisation »

Le directeur technique national du rugby luxembourgeois revient sur la saison des différentes sélections et sur les problématiques du ballon ovale au Grand-Duché, de la magnifique médaille d’or des garçons à Malte aux difficultés persistantes de se faire une vraie place dans le paysage sportif du pays. Fidèle à lui-même, Alexandre Benedetti n’évite aucun sujet.

L’actualité a été chargée ces dernières semaines pour le rugby luxembourgeois, à commencer par les Jeux des petits Etats à Malte (du 29 mai au 3 juin). Comment se sont comportées nos équipes à 7 sur cette compétition ?

On était sur un format assez atypique et inhabituel, on est partis une semaine avec un jour de compétition complet le mercredi (3 matchs), un jour off le lendemain, et on a rejoué deux matchs le vendredi, le tout en configuration championnat. C’était notre première participation aux Jeux des petits Etats, alors les moments comme la cérémonie d’ouverture, la cérémonie de clôture, c’était important pour nous. Sur le plan de la compétition pure, les garçons commencent par un match nul contre Monaco, avant de remporter quatre victoires (contre Malte, Andorre, Saint-Marin et Chypre) et décrochent la médaille d’or ! C’était un objectif depuis plusieurs années, depuis qu’on savait qu’on participerait à ces Jeux. On est très contents du résultat et du comportement des joueurs, qui se sont notamment montrés autonomes. Ils ont fait preuve de caractère, notamment après le match nul en ouverture. On est également satisfaits sur la discipline de manière générale, le projet a été maîtrisé.

Concernant les filles, il s’agit d’un petit bémol, les choses ont été plus difficiles. Il y avait quatre équipes avec une phase finale en fonction du classement. Elles ont perdu leurs trois premiers matchs… Mais il ne manque pas grand-chose !

Les deux équipes ont rapidement enchaîné, avec les filles à Belgrade une semaine après seulement, pour le championnat d’Europe niveau conférence ; et les garçons au Rugby Europe Trophy à Zagreb quinze jours après. Quel est le bilan de ces compétitions ?

Les filles ont dû se réadapter à un autre format. On a constaté que le niveau avait augmenté partout… Elles n’ont hélas pas réussi à performer, même si elles ont gagné leur dernier match contre l’Estonie, ce qui leur a permis d’éviter la dernière place et la relégation. Elles ont quand même montré de quoi elles étaient capables.

Du côté des garçons, on n’a pas été gâtés niveau tirage au sort. On est tombés sur une poule avec les Ukrainiens, à peine relégués de l’étage supérieur et qui ont éclaboussé le tournoi, la Pologne et le Danemark. On a malgré tout réussi à se qualifier pour les playoffs en se classant meilleurs 3e. Mais on retombe sur l’Ukraine en quarts de finale, qui nous bat et termine champion. Le match contre la Lettonie pour aller jouer la 5e place me laisse un goût amer, on s’est fait voler par l’arbitrage, avec un premier essai refusé de façon totalement incompréhensible, puis une action d’essai nette stoppée pour un joueur adverse assis au sol alors qu’il n’est pas K.O… On perd 14-15 après avoir mené 14-0, et on termine à la 8e place sur 12 équipes, avec une sensation d’inachevé. La 5e place était jouable, on a encore montré beaucoup de caractère et de la qualité. On paye cher des petites erreurs.

On était en stage trois jours ces jours-ci avec les seniors et les U18, pour préparer l’équipe A à la deuxième phase du Rugby Europe Trophy à Budapest dans une semaine et demie. On sera dans la poule de la Croatie, de la Suisse et de la Moldavie. L’objectif est de faire mieux qu’à Zagreb.

« C’était une saison vraiment très compliquée puisqu’il ne s’est rien passé pour le XV »

La saison à XV a été compliquée, avec beaucoup de matchs annulés…

Il n’y pas eu de saison tout court ! On n’a pas joué un seul match. On finit 2e de notre poule sans avoir joué… C’est un non-sens sur le plan comptable et sur le plan organisationnel. On est toujours en contexte post-Covid, on n’a pas encore tout digéré. Niveau budget, les choses deviennent compliquées avec la hausse des coûts de l’énergie, notamment avec la guerre en Ukraine. Tout cela a au moins le mérite de faire réfléchir les instances européennes pour revoir l’organisation… A ce stade, on en est juste à l’état d’ébauche pour la nouvelle poule. Sur le plan sportif, il n’y a aucun feu rouge selon moi pour participer. La seule et unique condition est de pouvoir mettre en place un vrai programme sportif et que l’aspect financier suive. On attend la réunion de la fédération internationale le 1er juillet. La poule qui nous concerne devrait être composée de la Hongrie, la Bosnie, la Slovénie et l’Autriche. Ce sera sûrement plus abordable que la Suède ou la Tchéquie, c’est peut-être un mal pour un bien. On aura autre chose à jouer que le maintien.

Globalement, quel bilan faites-vous de cette saison écoulée ?

C’était une saison vraiment très compliquée puisqu’il ne s’est rien passé pour le XV, même chez les U18 et les U16 (faute de profondeur d’effectif et de budget suffisant). On a aussi dû faire face au calendrier du championnat belge. Dans ce contexte, on a vite fait le choix de basculer sur le 7. Et on a eu raison lorsque l’on voit le résultat avec cette médaille d’or à Malte. Nos U16 se sont également classés 5e du tournoi international de Heidelberg, en Allemagne, avec un plateau relevé et intéressant. il reste le championnat d’Europe à 7 pour nos U18 fin juillet à Varsovie.

Quelles sont les perspectives pour l’année prochaine ?

On est toujours dans la même dynamique de projet, même si j’ai pris plusieurs casquettes, en remplaçant Michel Frachat comme entraîneur de l’équipe première en décembre dernier. Ces changements ont été digérés. A part ça, le staff et les joueurs sont frustrés par cette saison blanche. On est impatients de pouvoir se mesurer… On connaît nos intentions en tout cas.

J’aimerais également me rapprocher encore plus des clubs (Walferdange et le RCL) afin de lancer des actions communes , un travail de collaboration, notamment pour mieux communiquer sur les profils de joueurs à notre disposition.

Pour conclure sur cette question, nous avons une équipe très jeune et pour l’instant, cela fonctionne, même si on manque d’expérience et de densité physique. Maintenant, on a besoin de travailler dans un climat de travail serein…

« J’aimerais que l’on protège davantage le staff et les joueurs de certaines problématiques »

Justement, à ce sujet, trouvez-vous que les dossiers lancés par la Fédération luxembourgeoise de rugby avancent assez vite ? Ou rencontrez-vous toujours certains blocages ou freins, concernant vos besoins ou ce que vous pouvez attendre de la part des institutions ?

Avec toutes les casquettes que j’ai récupérées, je ne sais pas trop quoi répondre. Je suis moins dans le politico-sportif. Mais à mon niveau, j’ai vécu des moments très enrichissants, notamment à Malte où j’ai pu créer un contact avec des gens du COSL, qui nous ont fait de bons retours sur notre travail. J’ai également rencontré le ministre des Sports, Georges Engel, à plusieurs reprises et on a eu des échanges intéressants. On a aussi eu la visite du Grand-Duc. Tout cela montre que l’on parvient à susciter l’intérêt.

Mais au quotidien, les problématiques ne changent pas… Il est toujours aussi difficile d’avoir un créneau pour un terrain, d’avoir accès à des hébergements, etc. On est sans arrêt en train de se poser la question de si on fait telle chose ou pas, si on peut ou pas. En attendant, on ne se concentre pas sur le rugby. J’aimerais qu’on protège davantage le staff et les joueurs de certaines problématiques.

On pense par exemple aux conditions d’entraînement de l’équipe féminine, qui sont loin d’être optimales pour une sélection nationale…

C’est ce que l’on vit avec toutes nos équipes, sur les huit dernières années ! Cette année, on n’a pas pu profiter des installations de Josy Barthel par exemple. On passe de stade en stade, même sur un seul et même stage souvent. Ce n’est effectivement pas idéal. On s’est déjà plaint, pour les installations et pour les ressources humaines. Je ne sais pas comment cela se passe pour les autres sports… Mais on essaye de faire face aux difficultés, chacun à son niveau. J’espère que la médaille d’or des garçons à Malte nous rapprochera encore un peu plus du ministère des Sports et du COSL. Mais il s’agit aussi d’une organisation interne, de certains choix plutôt que d’autres. On a un besoin de professionnalisation, c’est évident. On ne peut pas demander le même investissement à un bénévole (qui en fait souvent déjà beaucoup) qu’à un professionnel qui est payé pour ça.

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