Valse des entraîneurs : à qui le tour ?

Depuis le début de saison, déjà cinq coachs ont été remerciés par leur direction : Pedro Resende, Henri Bossi, Miguel Correia, Neil Pattison, et le dernier en date Christian Lutz. Un phénomène qui interroge à l’heure où la plupart des clubs affirment vouloir construire des projets sur le long terme.

Une véritable hécatombe. Une épidémie. Ces dernières semaines, les entraîneurs tombent comme des mouches en BGL Ligue, alors que nous ne sommes même pas à la moitié du championnat. Déjà cinq d’entre eux ont en effet été remerciés par leurs dirigeants : Henri Bossi à Hostert, Pedro Resende à Differdange, Neil Pattison à Ettelbruck, Miguel Correia au Fola, et enfin Christian Lutz à Strassen. Les situations sont bien évidemment très différentes en fonction des clubs, mais le phénomène a de quoi interroger…

Un des cas qui interpelle peut-être le plus est celui de Pedro Resende. Belle surprise de la dernière édition avec une deuxième place où on ne les attendait pas, les Differdangeois patinaient un peu plus en ce début de saison, sans être pour autant complètement largués. Surtout, l’écart ne paraissait pas si important malgré la défaite lors de leur confrontation avec le Swift (1-2) et Dudelange (3-1). Au moment de devoir quitter son banc, Pedro Resende n’a d’ailleurs pas caché son amertume : « Je pensais vraiment que le très beau classement de l’an dernier me donnerait plus de crédibilité », déclarait-il dans nos colonnes, tout en étant surpris par le timing. Car ce dernier pensait son équipe encore capable d’aller chercher le podium : « Nous attaquions une série de match plutôt favorable, même si pour leur premier match sans moi, Differdange n’a pas réussi à battre Kaerjeng. Quand je suis parti, il restait 63 points à distribuer. Nous avions quatre points de retard sur la troisième place. Evidemment qu’on pouvait aller la chercher. » Fabrizio Bei, avec ses raisons, a décidé que c’était le moment pour apporter du changement et a rappelé un ancien de la maison, Stéphane Léoni.

« Je m’attendais à un peu plus d’élégance »

Christiant Lutz, lui non plus, n’a pas totalement compris son éviction du banc à Strassen : « Pour être honnête, j’ai été un peu surpris par la décision, car malgré les mauvais résultats, il n’y avait aucun signe avant-coureur, car la relation entre les joueurs et le staff technique était absolument intacte, même si elle a souvent été présentée différemment. Et nous étions à la 11e journée, donc nous avions encore assez de matchs à disputer. Ce qui m’attriste, c’est la façon dont la décision a été prise, car après une belle saison l’an dernier où tout le monde était très content de notre travail, je m’attendais à un peu plus d’élégance. » Même s’il peut comprendre la déception de son ancien coach, le directeur sportif du club, Petz Biergen, explique ce choix : « La saison passée a fait monter les attentes. Après la trêve estivale, dès la reprise, c’était déjà moins bien. L’an dernier, on a eu la chance de notre côté… Cette année, niveau recrutement, l’entraîneur a eu les joueurs qu’il voulait, le club a fait les efforts en ce sens. C’est l’équipe la plus chère qu’on a jamais eue à Strassen. Or, match après match, on a constaté que c’était vraiment mauvais. Contre Kärjeng, on perd 2-0 mais on est vraiment horribles, le score aurait pu être plus sévère. Après le match contre Hostert, on a écouté l’entraîneur, on s’est concertés au comité et on a considérait qu’on avait besoin d’un électrochoc. Cela faisait trois matchs que l’on avait pas marqué. Et contrairement à ce que dit Christian, on était plusieurs à avoir l’impression qu’une partie du vestiaire le lâchait. Il reste un très bon entraîneur, c’est lui qui fait les frais des mauvais résultats. »

Du côté du Fola, la situation est encore différente, particulière, avec un été qui a totalement chamboulé le club, comme l’explique Miguel Correia, qui a pris la suite de Sébastien Grandjean, avant d’être à son tour remercié il y a quelques semaines : « Mon cas était un peu particulier. Le projet que la Fola a choisi cet été était risqué et dangereux, en misant tout sur les jeunes. En acceptant, je savais ce que je faisais. Je savais que les choses pouvaient se passer comme ça. J’assume parfaitement. Je suis content de l’avoir fait et je pense que j’étais l’homme de la situation. Je suis parti et depuis, regardez, cela n’a rien changé à l’affaire… »

« Il faut être patients quand il y a des creux »

Même si chaque cas diffère, comment expliquer cette vague de séparations, alors que certains dirigeants répètent à l’envi qu’ils souhaitent créer un projet sur le long terme ? « Ils veulent un projet sur le long terme mais uniquement si cela se passe tout le temps bien. Or un club doit savoir quelle philosophie et quelles valeurs il défend, sans les changer en permanence en fonction de la situation au classement. Sinon, il perd en crédibilité », dénonce Christian Lutz. Pour Miguel Correia, les patrons de club n’ont pas saisi certains changements : « Le niveau de la BGL Ligue a énormément augmenté. Avant, il y avait un top 3 et les autres loin derrière. Aujourd’hui, même si on a le Swift et le F91, le niveau s’est resserré. Les directions ont du mal à voir ça et voudraient que leur club batte tout le monde. Il faut être patients quand il y a des creux. A Differdange et à Strassen, le boulot était fait… » Christian Lutz en rajoute une couche : « Je ne sais pas ce qui motive les clubs à licencier leur entraîneur à ce stade de la saison et à espérer ensuite que le nouveau fera mieux. Le président de Wiltz, Monsieur Schenk, a donné une très bonne interview à ce sujet il y a quelques semaines. Il a dit que les clubs se facilitent trop la tâche en blâmant toujours l’entraîneur et permettent ainsi aux joueurs de se cacher derrière cet alibi de l’entraîneur quand les performances baissent. Je dois dire que Monsieur Schenk a une colonne vertébrale et de très grosses couilles ! »

Le pire, c’est que Petz Biergen est sur la même longueur d’ondes : « Je lui donne entièrement raison, même si on vient de changer nous aussi. Mais on garde nos coachs quand même un peu plus longtemps que les autres en général à Strassen. Concernant les joueurs, on va mettre les points sur les « i » en les responsabilisant et en leur disant que, maintenant, c’est à eux de faire leur part. »

Problème de joueurs quand ça va mal ? Problème de coach ? Pedro Resende a en tout cas un avis bien à lui sur la question : « En dix ans, au moins huit entraîneurs sont passés par Differdange (ndlr : Stéphane Léoni est le dixième entraîneur du FC Differdange depuis 2012). Donc à un moment, cela serait intéressant de se demander si c’est toujours la faute des joueurs ou des entraîneurs, ou si le problème est plus dans la structure globale et la manière de gérer. Ce serait une très bonne question à se poser. » Le jeu des chaises musicales sur les bancs de BGL Ligue n’a pas fini d’animer les débats.

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