Raymond Conzemius: « Il faut mettre plus de moyens à disposition des athlètes »

Le directeur technique du Comité olympique et sportif luxembourgeois évoque l’actualité, avec en perspective les J.O. de Paris 2024. Autre sujet qui lui tient particulièrement à cœur : la pratique sportive au Luxembourg. 

Raymond, quels sont les sujets chauds qui vous occupent actuellement ?

Il y en a beaucoup ! En 2023, il y aura pas mal d’événements, on a différentes compétitions multisports au programme, avec les EYOF (N.D.L.R. Festival olympique de la jeunesse européenne) d’hiver et d’été. Il y a aussi les Jeux des petits États d’Europe qui approchent et qui auront lieu à Malte. Il y a également les Jeux européens à Cracovie en Pologne, et puis on est déjà en préparation pour Paris 2024. Un autre sujet nous intéresse beaucoup, c’est celui de la vision du sport au Luxembourg ; des élections auront également lieu en 2023, ce sera un sujet important. En tant que COSL, il faut que l’on exprime nos souhaits par rapport au prochain gouvernement et au développement qu’il compte mettre en place au profit du sport luxembourgeois. 

Le rythme des compétitions est plutôt intense, comment parvenez-vous à gérer ces multiples chantiers en même temps ?

On a une équipe et on se partage les tâches avec mon adjoint Laurent Carnol. Il s’occupe plutôt des compétitions pour la jeunesse et je prends en charge les grandes compétitions et les Jeux olympiques. Concernant les Jeux des petits États, on a tout un groupe qui s’en occupe autour de Alwin de Prins, qui est le chef de mission pour Malte. On fait une répartition des tâches, une personne chez nous s’occupe aussi de l’administratif, de la gestion des missions et des événements. Il y a la communication qui se fait avec Lis Fautsch, le secrétaire général, qui prend en charge les dossiers politiques, administratifs, juridiques. On fait reposer le poids sur plusieurs épaules (rires). Néanmoins, il est vrai que c’est un rythme très intense. Il y a tout le temps quelque chose qui se passe à droite ou à gauche. 

Un rythme précipité par le covid, avec des J.O. de Tokyo décalés d’un an et donc forcément un rythme qui s’accélère…

Oui, c’est vrai, je suis un peu parti en vacances, mais il y a toujours des choses dont il faut s’occuper. Actuellement, on s’organise pour bien préparer les événements de 2023 et donner de l’autonomie aux acteurs pour qu’ils puissent bien accomplir leurs tâches. Et pour que moi aussi je puisse me concentrer sur les choses qui importent. Il faut déléguer, c’est le plus important.

Globalement, votre rôle de directeur technique concerne-t-il les mêmes tâches que votre prédécesseur ou y a-t-il des aspects que vous avez fait évoluer ?

Ce qui m’intéresse le plus, et qui est peut-être un petit changement, c’est que le sport en général me préoccupe beaucoup, et pas seulement le sport d’élite. Je suis persuadé qu’il faut un développement du sport et de l’activité physique en général dans notre pays. C’est important pour la santé, pour la cohésion sociale, etc., et il faut se concentrer là-dessus. Si l’on arrive à améliorer la culture sportive et l’activité physique générale au Luxembourg, plus de sportifs accéderont à l’élite. D’après mon expérience au Sportlycée, je crois qu’il faut beaucoup plus se concentrer sur le développement de la jeunesse, des jeunes talents, cela doit prendre encore plus d’importance. 

Justement, si l’on prend en ligne de mire les Jeux de Paris en 2024, que met le COSL en place pour accompagner ces jeunes et les préparer au mieux afin de viser une participation à cette prestigieuse compétition ? 

L’amélioration la plus importante dans le système actuel doit s’effectuer au niveau de l’accompagnement des athlètes sur le terrain. C’est-à-dire que les meilleurs entraîneurs sont à disposition des sportifs afin de se préparer. Ce n’est pas toujours le cas, faute de moyens, et également parce que les fédérations travaillent avec ceux qu’ils ont. Mon objectif est donc que les athlètes bénéficient au quotidien du meilleur entraînement possible. C’est le travail que l’on mène avec la structure du LIHPS qui se développe fortement, et qui met des services de haute qualité à disposition des sportifs. L’autre dossier, ce sont les sportifs qui évoluent à l’étranger : on essaye de les aider afin qu’ils accèdent aux meilleures structures. Pour ceux qui sont au Luxembourg, je pense qu’il faut améliorer les structures au sein des fédérations. C’est toute une série d’acteurs qu’il faut faire collaborer, et je crois que l’on a montré que cela marche avec quelques athlètes déjà, mais on va vite arriver à nos limites… Puisqu’il faut développer les structures, multiplier les acteurs sur le terrain, les experts, pour que les sportifs soient bien encadrés. 

Finalement, votre rôle c’est aussi d’anticiper le futur en matière d’entraînement et d’encadrement des athlètes ?

Oui, c’est à tout fait cela. Il faut commencer très tôt. On a un véritable système de détection de talents, très peu ont mis cela en place. Mais une fois détectés, il faut mettre les structures en place pour les accompagner de la bonne manière, et je pense qu’à ce niveau-là, on a encore des choses à développer pour que les fédérations puissent offrir les meilleurs services possible. On doit se pencher là-dessus et mettre le paquet au niveau des moyens, qu’il s’agisse des ressources humaines ou financières. 

Il y a les athlètes qui luttent sur la piste, mais n’est-ce pas trop difficile pour le COSL de batailler à armes égales face à d’autres comités olympiques plus importants comme la France ou l’Allemagne, pour ne citer que nos voisins ?

Oui, on a du retard. Il est vrai que l’on développe de belles choses avec le Sportlycée, le LIHPS… Il y a des structures en place, mais les fédérations et les entraîneurs galèrent ! Ils sont concurrencés par d’autres bien plus performants, bien plus professionnels, et je pense qu’au Luxembourg, on ne se rend pas encore compte des moyens qu’il faudrait mettre à disposition des athlètes pour vraiment réussir au plus haut niveau. On a rattrapé un peu notre retard, mais les autres avancent bien plus vite encore. Il faut faire un état des lieux de nos besoins réels afin d’avoir des sportifs plus régulièrement au haut niveau. Cela ouvrirait les yeux à pas mal de gens.

On parlait des élections de 2023 en début d’interview, pour vous la réponse se situe-t-elle au niveau politique ? 

Je pense, oui. Les moyens qu’il faut mettre à disposition, si je parle seulement du sport de haut niveau, sont élevés. Beaucoup plus que ceux que l’on a reçus jusqu’ici. Plus généralement, on doit accorder plus de place au sport dans notre société. La pandémie nous a montré que l’inactivité est néfaste physiquement et psychiquement. C’est une question de santé publique. L’investissement devrait se faire surtout au niveau de la promotion de l’activité. À partir de là, des gens voudront forcément atteindre l’excellence. Il faut que cette culture de l’excellence soit promue, c’est important. Mais parfois, dans le sport, je crains qu’il y ait cette peur d’investir dans les ressources humaines et de ce que l’on appelle le software. Peut-être croit-on que l’on ne peut pas réussir au Luxembourg… 

Il existe encore un complexe d’infériorité, selon vous ?

Lorsque l’on décide d’investir dans un domaine, on a toujours réussi à se mettre en avant au Luxembourg. Il y a pas mal de sujets que l’on pourrait énumérer. Si l’on veut vraiment devenir une population qui bouge, active, je pense que l’on peut y arriver, il faut juste y croire et investir en conséquence dans les choses justes. Il n’y a aucun domaine où l’encadrement est aussi peu professionnel que dans l’éducation sportive et le sport. On est dans le bénévolat, parfois dans l’amateurisme. Quand je compare avec l’Éducation nationale, les écoles de musique, dès que l’on veut éduquer quelqu’un, on met à ses côtés des personnes qualifiées. Et pour le sport, on pense que cela peut se faire avec des acteurs non professionnels. Je ne comprends pas comment on imagine pouvoir s’améliorer si l’on n’investit pas dans des ressources humaines hautement qualifiées. Le sport et l’activité physique peuvent être le catalyseur d’une culture du bien-être et de la santé. Beaucoup de jeunes vont dans un club et ne s’amusent pas, ou n’ont plus envie d’y aller car l’encadrement n’est pas de bonne qualité. Alors ils font autre chose, ou ils arrêtent complètement. 

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