Kai Merk : « L’hymne national, j’en avais les larmes aux yeux »

Né en Allemagne, Kai Merk s’est fait un nom au Luxembourg, où il évolue à l’Union Titus Pétange depuis 2021. En l’espace de deux ans, l’attaquant est devenu une valeur sûre de BGL Ligue, au point de revêtir, à l’aube de ses 25 ans, le maillot du Kirghizistan. Discret en dehors des terrains, l’Allemand se dévoile avec sincérité sur sa carrière débutée dans les divisions inférieures allemandes, qui l’emmène aujourd’hui jusqu’en Asie centrale, le pays de son père.

Es-tu heureux de votre début de saison ?

De manière générale, non, en raison des performances de l’équipe, ce n’était pas une bonne entame. On pensait pouvoir prendre plus de points. Sur les derniers matchs, on montre à nouveau le football qu’on pratiquait la saison dernière. Tous les joueurs sont désormais à 100 % physiquement et nous n’avons plus de blessés, à part Mike Schneider. Je pense qu’on va pouvoir retrouver l’équipe de la saison passée et que ça va aller de mieux en mieux. 

Pourquoi ça n’a pas aussi bien fonctionné que la saison dernière ?

C’est une bonne question. On essaie de jouer notre football, d’avoir la possession, c’est ce que demande notre coach. Malheureusement, on a mené à plusieurs reprises 1-0 ou 2-0, sans finalement l’emporter. Ce sont des points qui comptent quand tu veux jouer les places européennes. La saison dernière, on gagnait ces matchs 4-0 ou 4-1. Cette saison, on fait 2-2 ou 3-3. Maintenant, on a appris de nos erreurs.

As-tu réfléchi à tenter un nouveau challenge l’été dernier ?

En mars dernier, je me suis blessé en sélection et j’ai manqué toute la fin de saison. J’étais en fin de contrat, ce n’était pas le meilleur timing par rapport à ma blessure pour trouver un nouveau club, alors j’ai signé un nouveau contrat jusqu’en 2025. Je suis heureux d’être resté ici. On verra dans le futur si je pars.

As-tu eu des contacts avec des clubs malgré ta blessure ?

Oui, mais je n’ai pas senti un bon feeling. Des clubs se sont montrés intéressés et voulaient voir davantage de matchs de moi, mais je venais de me blesser avec la sélection, donc je ne pouvais plus me montrer. C’était triste pour moi, mais maintenant je donne mon maximum pour faire une bonne saison. 

Il s’agissait de clubs étrangers ?

Oui, il y avait beaucoup de clubs en Asie, comme le Kirghizistan est dans cette région, mais les offres n’étaient pas intéressantes au point de dire à mon agent « ok, j’y vais ». Je vais continuer à être performant et peut-être qu’un jour, dans le futur, j’irai jouer en Asie.

Tu évolues au Luxembourg depuis deux saisons. En quoi as-tu progressé depuis ton arrivée en 2021 ?

J’ai très bien progressé. Quand je suis arrivé, on avait une bonne équipe, mais on ne jouait pas ensemble. Moi, j’étais dans la rotation. Des fois, j’étais titulaire. D’autres fois, j’entrais en jeu et parfois, je n’étais même pas dans le groupe. J’ai dû apprendre à connaître le championnat. Ce n’était pas facile, parce que le football est différent de celui que j’ai connu en Allemagne et j’ai eu besoin de temps. Au bout de six ou huit mois, j’ai commencé à comprendre comment on joue au foot ici. On a changé de coach avec l’arrivée de Yannick Kakoko et notre football a progressé. Il m’a donné beaucoup d’opportunités, je les ai saisies et ça m’a permis de progresser.

« Avant le covid, pendant trois ans, j’avais des offres du Luxembourg à chaque mercato, l’été ou l’hiver, comme c’est de l’autre côté de la frontière avec l’Allemagne. »

Qu’est-ce qui te plaît chez Yannick Kakoko ?

La chose la plus importante est qu’il a pris sa retraite de joueur il y a très peu de temps, donc il est très proche de l’équipe. Il est comme un joueur, tu peux lui faire des blagues, il ne prendra pas ça au sérieux. Ça permet à l’équipe de prendre les choses plus facilement. Évidemment, même si on prend le temps de plaisanter, on se donne à 100 % à l’entraînement et si quelque chose ne lui plaît pas, il n’hésite pas à crier. C’est une bonne chose. La relation avec l’équipe est vraiment incroyable. 

Comment es-tu arrivé à Pétange ?

Je jouais en quatrième division allemande, à Aalen. J’étais en fin de contrat, on sortait de la période covid. Le club voulait que je prolonge d’un an, mais j’ai refusé. Le coach n’était pas très bon et je ne l’aimais pas. Je cherchais une nouvelle expérience. J’ai eu des offres en Allemagne également, mais ce n’était pas facile d’y trouver un club à cette période, parce que les clubs, notamment en quatrième division, n’avaient pas beaucoup de budget pour la saison suivante. Avant le covid, pendant trois ans, j’avais des offres du Luxembourg à chaque mercato, l’été ou l’hiver, comme c’est de l’autre côté de la frontière avec l’Allemagne. Beaucoup de clubs voulaient que je vienne, mais j’étais un jeune joueur et je pense que pour un jeune joueur, ce n’est pas facile de se montrer dans le championnat luxembourgeois. Tu dois être titulaire à tous les matchs et jouer 90 minutes pour te faire remarquer par les grands clubs et quand tu es jeune, si tu n’as pas d’opportunité de te montrer, tu ne peux pas progresser, donc j’ai décidé de rester en Allemagne. À la fin de mon contrat en Allemagne, j’ai eu l’opportunité de venir ici et j’ai décidé de signer à Pétange.

Comment ta famille a-t-elle réagi quand tu as annoncé que tu signais au Luxembourg ?

Ils sont ouverts d’esprit. Je pourrais leur dire que je pars en Nouvelle-Zélande, ils seraient contents pour moi. C’est à une heure et demie de route de la maison, donc quand on a un ou deux jours de off, je peux aller leur rendre visite facilement. Ils m’ont souhaité bonne chance et me soutiennent.

Quel est ton poste préféré : ailier, attaquant de pointe, en soutien de l’attaquant ?

Bonne question (rires) ! Quand je suis arrivé ici, je préférais jouer attaquant, parce que j’ai joué à cette position en Allemagne la majeure partie du temps. Jusqu’à la saison dernière, je jouais aussi attaquant ici. Quand Yannick est arrivé, il a essayé de me faire jouer sur les ailes, parce qu’on avait Kempes Tekiela au poste d’attaquant et que le coach ne voulait pas jouer à deux pointes. Ça se passe super bien, je joue également au poste d’ailier droit en sélection. Je ne sais pas (rires). Personnellement, je trouve que c’est plus important de savoir avec qui je joue sur le terrain. En tant qu’attaquant, tu as besoin d’ailiers qui t’amènent le ballon dans la surface. Ici, dans notre équipe, je préfère jouer au poste d’ailier droit.

© Anouk Flesch

Comment expliques-tu ta capacité à être polyvalent ?

Quand tu es un joueur offensif, tu peux davantage varier ton jeu qu’un défenseur. Si tu es défenseur central, tu ne peux pas jouer ailier droit alors que si tu es un joueur offensif, tu peux jouer sur l’aile, en numéro 10 ou comme attaquant. Si tu es rapide, tu peux jouer des deux côtés. Si tu as un bon pied droit, tu peux aussi jouer des deux côtés. Je pense réellement que c’est plus facile pour les joueurs offensifs de jouer à différentes positions. 

Quelles différences as-tu pu observer entre le foot allemand et le foot luxembourgeois ?

En Allemagne, tout est plus professionnel. J’ai joué en quatrième division, où il y a à la fois des équipes professionnelles, semi-professionnelles et amateurs. Certains joueurs sont obligés de travailler, comme la plupart des joueurs au Luxembourg. En Allemagne, il y a un staff plus grand, de bons physiothérapeutes. L’organisation, la structure, tout est plus pro. Au Luxembourg, les choses avancent bien. Il y a cinq ans, quand j’ai eu des offres du Luxembourg, le championnat n’était pas intéressant. Je pouvais me contenter de jouer au football, mais ça n’avait rien de professionnel. Personne à l’étranger ne s’intéressait au championnat luxembourgeois. Aujourd’hui, les clubs de nombreux pays regardent le championnat parce qu’il y a de bonnes équipes, de bons joueurs. Le football au pays progresse très vite et le championnat devient de plus en plus intéressant. 

Tu as grandi en Allemagne, à Pirmasens. Quel est ton premier souvenir de football ?

Mon premier souvenir de foot est quand je jouais avec mon père. Je devais avoir deux ou trois ans, mon père jouait au foot, donc j’ai commencé à jouer aussi et j’allais souvent à ses matchs. Ma vie tournait autour de foot, j’avais toujours un ballon dans les pieds (rires). J’ai fait mon premier entraînement dans un club à l’âge de quatre ans. J’avais un short qui m’arrivait en dessous des genoux (rires) !

Donc tes parents sont fans de football ?

Oui, mon père est arrivé en Allemagne à l’âge de 23 ans, il y a plus de vingt ans. Au Kirghizistan, à l’époque en Union soviétique, où il a grandi, il n’avait pas de ballon, donc la première fois qu’il a vu un ballon et une paire de crampons en Allemagne, il a commencé à jouer. Il ne connaissait pas les règles ni la tactique, c’était marrant (rires). Mais c’est un grand fan de football. 

Tu as toujours joué au poste d’attaquant ?

Oui.

Pourquoi ?

Parce que mon père jouait attaquant, donc il voulait que je joue aussi à ce poste (rires). Non, je crois que j’ai commencé au poste de gardien la première saison ! Mais mon père a dit « non, il est bon avec ses pieds, il ne sera pas gardien » (rires).

Quel était ton club de cœur ?

Je suis fan du Werder Brême, parce que mon père est fan de ce club. J’aime aussi Kaiserslautern, en 2. Bundesliga, parce que le club est proche de Pirmasens, là où j’ai grandi.

Qui était ton joueur préféré ?

Wesley Sneijder, un numéro 10 incroyable, parce que jusqu’à mes 19 ans, je jouais aussi numéro 10, donc c’était mon idole à ce poste. J’ai aussi adoré Andrés Iniesta, qui était incroyable à voir jouer. Au début, c’était eux, maintenant c’est Messi (rires).

« Je n’ai jamais eu beaucoup de talent, j’ai dû beaucoup travailler de mon côté, je me suis beaucoup entraîné avec mon père pour progresser et me rapprocher du plus haut niveau »

Pas de joueur du Werder comme Claudio Pizarro ?

Bien sûr, c’est une légende du Werder, mais non, ce n’est pas mon idole (rires).

Quand tu étais jeune, tu n’as jamais joué pour un grand club allemand. Pourquoi ?

Je n’étais pas assez bon. J’étais bon dans mon club, mais pas assez pour le plus haut niveau en Allemagne. Il y avait des joueurs plus talentueux que moi. Je n’ai jamais eu beaucoup de talent, j’ai dû beaucoup travailler de mon côté, je me suis beaucoup entraîné avec mon père pour progresser et me rapprocher du plus haut niveau. Mais ce n’était pas suffisant pour jouer dans les grands clubs allemands chez les jeunes. 

Quel type d’élève étais-tu à l’école ?

Je suis allé jusqu’à la fin de mon cursus, jusqu’à mes 18 ans. J’ai travaillé quelques mois. Ensuite, je suis allé à Elversberg et j’ai signé un contrat professionnel. Il y a deux ans, j’ai débuté un bachelor en management du sport, car je me suis dit que je ne faisais que du foot depuis quelques années et qu’il me fallait un plan B. J’ai arrêté au bout d’un an pour me concentrer sur le football, mais je pense que je reprendrai.

Quel est ton plus beau souvenir avec le club de Pirmasens ?

Je n’ai joué qu’avec les équipes de jeunes. On jouait un des plus gros tournois européens U15, en Autriche. Il y avait le Bayern Munich, Anderlecht, le Red Bull Salzburg… Pour moi, c’était vraiment intéressant de voir à quel point ces joueurs pouvaient être bons à cet âge. C’était ma meilleure expérience à Pirmasens.

Tu te souviens d’un joueur connu que tu as pu affronter à ce tournoi ?

Il y avait un joueur, je m’en souviens à 100 %. Ante Ćorić, de Salzburg. C’était pendant la finale face au Bayern Munich. Il était incroyable, c’était le meilleur joueur. Il jouait numéro 10, à ma position. Il avait un an de plus que moi et il était si fort. Plus tard, il est parti à la Roma.

À partir de quand le football est-il devenu sérieux pour toi ?

À l’âge de 18 ans. Avant ça, je jouais au football pour m’amuser. Je ne voulais pas devenir professionnel et jouer pour gagner de l’argent. Je jouais avec mes amis à un bon niveau, pas le meilleur niveau en Allemagne, mais le deuxième meilleur niveau. Ok, je ne suis pas un mauvais joueur, mais je n’étais pas rapide, je ne jouais pas dans les meilleurs clubs du pays, donc pas dans les meilleures conditions. Après les équipes de jeunes, j’ai été contacté par le SV Elversberg pour évoluer en équipe réserve, en sixième division. Ils m’ont dit « viens faire un test ici, tu pourrais gagner un peu d’argent et jouer à un plus haut niveau ». Je me suis dit « Ok, ce n’est qu’à trente minutes de la maison ». Au bout de trois mois, j’avais marqué beaucoup de buts et l’entraîneur de l’équipe première m’a appelé pour que je vienne m’entraîner. Je me suis dit « Quoi ? Vraiment ? ». Je n’en revenais pas. À cette époque, l’équipe était en quatrième division mais il y avait de très bons joueurs, passés par la deuxième et la troisième division. Je me suis dit « je vais m’entraîner avec eux ? ». La première séance était folle pour moi, parce que c’était un nouveau monde pour moi. Je n’avais jamais joué à un tel niveau, où tu gagnes ta vie en jouant au football à un niveau professionnel. 

« Au premier entraînement, tu reçois le ballon, tu as à peine le temps de contrôler qu’on te prend le ballon et qu’on marque. Je me disais « comment c’est possible ? », je n’avais jamais joué à un tel niveau. »

À Elversberg, tu découvres la sixième division allemande avec la réserve, puis la quatrième division avec l’équipe première. C’était comment ?

Je ne pouvais pas y croire. Je venais chercher une nouvelle expérience, comme j’avais toujours joué à Pirmasens, avec les mêmes coéquipiers la plupart du temps. Le coach était sympa avec moi et m’a donné l’opportunité de jouer, parce qu’avec la réserve, j’ai mis beaucoup de buts donc au bout de trois mois, le coach de l’équipe première m’a appelé. Je me souviens très bien du premier coup de téléphone. « Tu es libre demain ? Tu t’entraînes avec nous ». Je me suis dit que c’était incroyable, je ne peux pas l’expliquer. Je me suis entraîné avec eux pendant une semaine et ensuite, je suis parti avec l’équipe en stage de présaison, c’était fou. Je me suis entraîné avec eux pendant un mois et le club m’a proposé un contrat professionnel. 

Qu’est-ce qui était le plus dur entre la sixième et la quatrième division ?

En quatrième division, c’était complètement professionnel. Il y avait d’anciens joueurs qui ont joué à un très haut niveau. Pour moi, la différence était folle. Au premier entraînement, tu reçois le ballon, tu as à peine le temps de contrôler qu’on te prend le ballon et qu’on marque. Je me disais « comment c’est possible ? », je n’avais jamais joué à un tel niveau et ça m’a pris environ un an pour être au niveau. La différence entre ces deux divisions était immense. Jouer avec des joueurs professionnels m’a appris à prendre plus rapidement mes décisions sur le terrain.

Pourquoi as-tu décidé de partir à Aalen ?

Je crois qu’à Elversberg, j’ai eu trois coachs différents. C’était le club avec le plus gros budget de quatrième division. Chaque saison, ils achetaient de bons attaquants qui avaient joué plus haut, donc je n’avais pas l’opportunité de démarrer deux ou trois matchs de suite en tant que titulaire. Pour un jeune joueur, ce n’est pas bon. Tu ne peux pas progresser rapidement si tu n’es pas titulaire et que tu n’enchaînes pas. Après trois ans et peut-être quatre matchs comme titulaire, ce n’était pas assez. Ils m’ont proposé un nouveau contrat d’un an. Je ne voulais pas rester et voulais aller dans un autre club du championnat, peut-être moins important mais qui me donnerait l’opportunité de voir où je me situe en termes de niveau. Quand tu ne joues pas, tu ne sais pas à quel point tu es bon ou non. Je voulais voir quel niveau je pouvais atteindre. 

© Anouk Flesch

Tu n’es resté qu’un an à Aalen avant de venir au Luxembourg. Pourquoi ?

Je n’avais signé qu’un an de contrat. Après, il y a eu le covid et on a aussi changé de coach. C’était horrible pour nous, les joueurs. C’est le pire coach et le plus fou que j’aie jamais eu. 

Pendant ce temps, Elversberg, qui a réalisé deux montées en deux ans, évolue maintenant en 2. Bundesliga, la deuxième division allemande. As-tu des regrets, peut-être as-tu été impatient ?

Bien sûr, si j’avais signé un nouveau contrat, peut-être que je serais avec eux en ce moment. C’est normal dans le football d’avoir des regrets, tu dois toujours prendre des décisions. J’estime ne pas avoir fait d’erreur sur le moment, je sentais que je n’avais pas de futur là-bas, donc je n’ai rien à regretter. Même s’ils étaient en Bundesliga, je penserais la même chose. Peut-être que dans le futur, j’aurai l’occasion d’y retourner, on ne sait jamais (rires). Pour eux, c’est incroyable. J’ai encore des amis là-bas avec qui je suis en contact, je suis très heureux pour eux de les voir en deuxième division. 

Ton petit frère, Kimi, est aussi footballeur professionnel. Comment était votre relation autour du football ?

On est comme des frères jumeaux, on ne fait qu’un. Il sait tout de moi et je sais tout de lui. En grandissant, on faisait tout ensemble. Il est parti cet été mais avant ça, quand je rendais visite à ma famille à Pirmasens, on faisait tout ensemble. C’est l’une des personnes les plus importantes de ma vie.

Il a été formé à Kaiserslautern. Il est meilleur que toi ?

Comme je l’ai dit, sa carrière est différente, mon père m’a d’abord eu moi, ne connaissait rien du foot et a pu découvrir ce qu’il fallait faire, donc oui (rires). Il a tout appris avec moi et a appliqué les meilleures décisions avec lui pour l’emmener dans l’un des meilleurs clubs allemands chez les jeunes.

« Ils pensaient que je venais d’Allemagne et que je prenais la place d’un Kirghiz né ici et qui a grandi ici. »

Vous jouez tous les deux pour le Kirghizistan. Quel est votre lien avec ce pays ?

Mon père est né là-bas, ce qui faisait partie à l’époque de l’Union soviétique, aujourd’hui Kirghizistan. On ne savait pas qu’on pouvait avoir le passeport. Le premier contact date d’avant la période covid. On jouait la finale de Coupe avec Elversberg face à Sarrebruck. Mon père était assis à côté d’un agent, qui s’occupait de plusieurs joueurs de mon équipe. Il a demandé à mon père, qui a un accent, d’où il venait. L’agent lui a expliqué qu’il connaissait quelqu’un qui cherchait des joueurs en Allemagne pouvant jouer pour la sélection du Kirghizistan, comme beaucoup de familles s’y étaient installées. La sélection m’a invité en 2019 pour me voir. Malheureusement, c’était très compliqué d’obtenir le passeport, ça prenait du temps et avec le covid, tout a été mis à l’arrêt. Je devais retourner là-bas pour signer les papiers et c’était impossible. Après le covid, j’ai enfin pu m’y rendre et obtenir mon passeport et je suis très heureux.

Donc tu as perdu quatre ans en quelque sorte…

Oui. Encore une fois, c’est mieux pour mon frère, qui a pu obtenir le sien à 18 ans (rires).

Tu étais déjà allé au Kirghizistan pendant ta jeunesse ?

Non, et mon père n’y était pas retourné non plus depuis 25 ans. On y est retourné ensemble quand la sélection m’a invité en 2019. On a eu un jour off, et la ville où il a grandi était assez proche de la capitale, où on s’entraîner. Il a pu tout me montrer.

Quelle a été ta première impression ?

On entend toujours nos parents parler de leur enfance. Je l’ai entendu en parler pendant plus de dix-huit ans. Son enfance ici était complètement différente d’une enfance en Europe. Quand on est venu, il m’a à nouveau raconté ses histoires, mais en me montrant. C’était une expérience incroyable de voir tous ces endroits où il a grandi. Il m’a montré où l’autre partie de ma famille vivait. C’était vraiment intéressant de voir où ils ont vécu et grandi.

C’était un énorme choc culturel pour toi, non ?

Oui, forcément. C’est un pays pauvre, qui n’a pas de grosse industrie ou d’infrastructures comme en Allemagne ou au Luxembourg. La capitale est une ville normale, mais si tu en sors, c’est complètement différent. Quand tu viens d’Europe et arrives ici pour la première fois, évidemment, tu es impressionné, parce que tu n’as jamais vu ça de ta vie. 

Comment les autres joueurs t’ont-ils accueilli, toi qui viens d’Allemagne ?

Les deux ou trois premières fois, pas vraiment bien. C’était différent de l’Allemagne. Ils pensaient que je venais d’Allemagne et que je prenais la place d’un Kirghiz né ici et qui a grandi ici. Bien sûr, il y avait des joueurs qui étaient cool avec moi et on avait une bonne connexion, mais quand tu vois que d’autres joueurs ne te parlent pas, ne te regardent pas, et ne te font même pas la passe, c’était fou pour moi. Mais je peux les comprendre, la culture ici est différente. Ça a pris du temps, j’ai pu leur montrer que j’étais un bon joueur qui pouvait les aider et maintenant, on a une bonne relation. Ils parlent le kirghiz et aussi le russe, et je parle russe, mon père me l’a appris, donc c’était facile.

Quel est le niveau de l’équipe et le niveau du foot dans cette partie du monde ?

Le niveau du championnat est moins bon que celui du Luxembourg, mais le niveau de la sélection nationale est bon. Si je devais comparer, je dirais qu’il est semblable à celui d’une équipe de troisième division allemande, comme Sarrebruck, par exemple. L’équipe devient de plus en plus forte et on a une bonne génération. Il faut juste ne pas avoir de blessés, car il y a un grand écart entre les titulaires et les autres. On n’a pas le même vivier qu’en France où le sélectionneur peut se dire « Ok, je prends lui, lui ou lui ». Si tout le monde est présent, on n’est pas une mauvaise équipe. Le nouveau coach et son staff viennent de Slovénie, donc les conditions sont devenues très professionnelles. Ils savent ce qu’ils font et tu peux le sentir.

« L’hymne national aussi, c’était indescriptible, j’en avais les larmes aux yeux. »

Combien de joueurs comme toi, venant d’Europe, font partie de l’équipe ?

On est trois. Les autres joueurs jouent en Asie. 

Quelle sensation ça fait de jouer des matchs internationaux, de voyager ?

C’est complètement différent. Quand tu joues en club, tu joues trente ou quarante matchs par an pendant plus de dix ans, donc tu joues plus de trois cents matchs. En sélection, tu peux en jouer deux, cinq, vingt-cinq, tu ne sais pas. Tu peux jouer et ne pas être convoqué au rassemblement suivant, donc chaque match est quelque chose de spécial dont tu profites, parce que c’est peut-être le dernier. Jouer pour un pays, c’est un sentiment incroyable. La première fois, il y avait des feux d’artifice. L’hymne national aussi, c’était indescriptible, j’en avais les larmes aux yeux, tant c’était spécial pour moi.

Ton frère Kimi joue en Ouzbékistan, juste à côté du Kirghizistan. Jouer dans cette région du monde, en Asie, c’est un objectif, un rêve ?

C’est sûr. Je ne vais pas dire que je veux rester en Europe et que je ne vais pas y aller. Je suis ouvert d’esprit, j’ai envie d’y aller un jour. Si j’ai une bonne offre, bien sûr que j’aimerais jouer ici. Le football en Asie progresse très vite, on peut le voir avec le type de joueurs qui signent en Asie. Mon frère a 20 ans et pour sa première saison en équipe professionnelle, il dispute la Ligue des champions asiatique, parce qu’il joue à Pakhtakor Tachkent, la meilleure équipe d’Ouzbékistan. L’expérience qu’il vit cette année est incroyable, il passe plus de temps en avion qu’en voiture, à voyager. Quand tu vois ça, c’est une opportunité incroyable que t’offre le football alors qu’en restant ici, tu ne voyages pas pour aller jouer un match. Le niveau aussi est très très bon en Ouzbékistan. J’aimerais jouer en Asie, ce serait bon pour moi. On verra si ça arrive un jour. 

Peut-on voir le Kirghizistan à la Coupe du Monde 2026 ?

Nos chances sont très faibles. Notre groupe n’est pas si relevé, mais ensuite, il faut disputer un barrage contre les meilleures équipes d’Asie. C’est très dur de rivaliser si on affronte le Japon, La Corée du Sud, l’Iran, qui font partie des meilleures nations au monde. Il y aura 9 équipes asiatiques qualifiées et c’est quasiment impossible pour les équipes comme nous d’en faire partie. Je compte les équipes sur mes doigts et je me dis que ça va être très dur (rires). Il faut avoir de la chance. On va donner le meilleur de nous-mêmes et si on finit dans les deux premiers de notre groupe, on est directement qualifiés pour la prochaine Asia Cup.  

A-t-on plus de chances de te voir à la Coupe du Monde ou en Bundesliga avec ton frère ?

Je dirais la Coupe du Monde (rires) ! En Bundesliga, je ne pense pas pouvoir y jouer, ce serait trop difficile. Si j’avais vingt ou vingt-et-un ans, avec mes qualités, ça pourrait être possible, mais je suis déjà trop âgé maintenant.

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