Carlos Fangueiro : « Je ne sais pas si je vais rester »

L’entraîneur du F91 Dudelange a passé un long moment dans nos locaux pour revenir sur la situation actuelle et la saison de son club. Carlos Fangueiro s’est fendu d’un entretien vérité, où tous les sujets du moment ont été abordés avec franchise, y compris un potentiel départ. 

Quand bien même la saison n’est pas achevée, quel bilan en tirer jusque-là ?

C’est une saison magnifique.

Magnifique ?

Par rapport aux énormes difficultés qu’on a eu cette saison, c’est magnifique, oui. On a vécu tant de choses compliquées cette année. On a perdu une énergie énorme, tant les joueurs que le staff, mais aussi le comité. Ce n’était pas une saison facile sur tous les points. Donc par rapport à tous ces problèmes, oui, c’est très beau. On a toujours trois points d’avance sur le Progrès, et le match contre eux de février et les trois points sont toujours en jeu au vu de l’affaire en cours. Si jamais on les récupérait, on ne sait jamais en cas de faux pas d’Hesperange… On sait que cela sera très compliqué, mais tant que mathématiquement c’est possible, on ne lâchera pas l’affaire…

Quand vous parlez de problème, on imagine que vous parlez évidemment de la justesse du groupe ?

Déjà en début de saison, nous n’avions pas l’effectif le plus fourni de la saison. J’essaie de travailler avec les jeunes que j’intègre souvent dans mes entraînements, en particulier en ce moment (rires) ! Pour faire un entraînement tactique, c’est nécessaire d’en avoir parmi nous pour faire des oppositions avec dix joueurs. La grande partie des séances, ça n’est pas possible sans faire appel aux jeunes. Etre avec une quatorzaine de joueurs pour jouer le titre, ce n’est juste pas possible. 

Comme vous dites, l’effectif n’était pas le plus étoffé en début de saison. En ce sens, peut-on tout de même dire que le mercato d’hiver n’a pas été bien géré ?

Oui, il y a eu des erreurs, en particulier à ce moment-là. Je ne vais pas le cacher. En début de saison, nous avions 21 joueurs « confirmés ». Après, on a trouvé qu’on était en difficulté en particulier dans le secteur défensif. On voulait profiter du fait que Vahid Selimovic était chez nous depuis plusieurs mois. Le but était de l’ajouter au groupe, tout en sachant qu’il fallait faire un petit effort financier. On a discuté avec le conseil d’administration de ce besoin impératif, en particulier dans le cadre d’une défense à trois, et toutes les cases étaient cochées avec Vahid. Le comité m’a alors dit qu’on pouvait avoir ce joueur, mais qu’il fallait en laisser partir quatre en échange. J’ai mis en place une réflexion, sur qui pouvait partir, qui voulait plus de temps de jeu… J’ai donc parlé avec Francisco Ninte, Djuci, Magnus Hansen, et Elliot Gashi qui avait tout de même beaucoup joué. Même si ce n’était pas des joueurs qui étaient souvent dans le onze, ils étaient très utiles. Et au final, ces quatre joueurs sont partis, et je n’ai pas eu Vahid. J’étais alors très en colère. Avec un cadre aussi réduit, c’était trop compliqué.. Quand on voit les blessures de Moussaki, Sidibé, Vova, Skenderovic, Diouf… j’étais obligé d’avoir un banc avec parfois trois juniors dessus. Notre force l’an passé, c’était d’avoir un banc au sein duquel un remplaçant pouvait apporter énormément lors de son entrée. Avec une défense à trois dans laquelle deux de tes trois titulaires ne sont plus présents… On s’est retrouvé avec Mehdi Kirch et Agovic en défense centrale pour éviter de changer un système dans lequel nous avions énormément d’automatismes. Ces deux joueurs ont fait le maximum et ont été exemplaires, mais ce ne sont pas des défenseurs centraux. Cela fait donc beaucoup de bricolage pour une équipe qui doit jouer le titre. Je suis fan de mes joueurs, de mon groupe, car dans cette difficulté, on a réussi à trouver une énorme motivation, et on s’est arraché à chaque rencontre. Donc chapeau à eux.

Au vu de ce que vous dîtes, on imagine que vous ne dites pas chapeau au conseil d’administration ?

(Il réfléchit…) Si, chapeau à tout le monde. Le F91 est un grand bateau. Le conseil d’administration s’est retrouvé dans des difficultés sur le plan financier encore plus complexes que les années précédentes. Ce sont des gens sérieux qui veulent toujours payer les joueurs et éviter les dettes, alors chapeau à eux pour tout leur travail. Mais cela n’empêche que cette saison, il y a eu bien plus de problèmes qu’autre chose…

Malgré tous ces problèmes, vous vous retrouvez tout de même à jouer une « finale » pour le titre contre Hesperange. Une rencontre totalement folle. A posteriori, comment expliquez-vous ce scénario dingue ?

C’est très simple. On est obligé depuis des mois de jouer avec le même effectif. Quelques jours plus tôt, on joue 35 minutes à dix en coupe contre une belle équipe de Pétange. Contre Hesperange, j’ai un banc avec Fox, Chris Stumpf et Marc Thomas… Voilà. La fatigue était extrêmement présente, mais je ne pouvais rien faire. J’ai donné deux jours de repos après Pétange, et le samedi, on a fait une séance d’activation, pour essayer de redonner de la force au groupe, mais on ne pouvait pas plus. On parle d’une rencontre en fin de saison, contre une équipe qui jouait le titre et était premier, qui a un cadre de plus de trente-cinq joueurs quand nous en avions quatorze… C’est un ensemble de tout. N’oubliez pas que l’an dernier, quand les autres équipes étaient en vacances, nous étions déjà dans la préparation de notre saison, avec tout de suite les rencontres européennes contre de très gros adversaires. Comme je vous dis, c’était un tout. C’est pour cela qu’encore une fois, j’estime qu’on a fait un boulot magnifique. Arriver à Hesperange et jouer le match qu’on a joué… J’en suis très fier. Et j’aimerais quand même parler de l’arbitrage qui cette saison, nous a pénalisé à tort huit fois. Et je parle ici de rencontre que l’on a parfois gagné.

Il y a-t-il un arbitrage anti Dudelange selon vous ?

Je ne suis pas sûr. Les erreurs, c’est absolument normal, tous les joueurs ou entraîneurs en font chaque saison. Une fois, deux fois, ok. Mais huit fois ? Je trouve que cela fait beaucoup…

Après cette défaite contre Hesperange et le titre qui s’envole, beaucoup ont été surpris de voir la composition en coupe contre Rosport, avec beaucoup de changements dans une compétition qui semblait être devenu un objectif majeur…

Il y avait déjà des joueurs dans un état de fatigue énorme. Ensuite, Chris Stumpf est un joueur que j’apprécie énormément, et qui apporte tout le temps au groupe, qu’il soit sur le terrain ou non. Dans son contrat, il a une clause qui stipule que s’il joue dix matchs en tant que titulaire, il est automatiquement prolongé. On arrive en fin de saison, et je pense qu’il le mérite, donc je l’ai fait jouer. Quant à Samir, il avait pris un très gros coup contre Mondercange. Il n’était même pas à 80%. J’ai été obligé de le faire rentrer, je lui ai demandé de serrer les dents, et il l’a fait ! Et Bruno Freire joue assez régulièrement. Donc la plupart de ces changements faisaient sens pour moi.

On voit que Dudelange va encore avoir des difficultés sur le plan financier cette saison, et que cela continuera sûrement l’année prochaine. En ce sens, est-il encore possible de rivaliser avec Hesperange ?

Si on trouve quelqu’un qui peut vraiment aider le club sur le plan financier, alors… C’est sûr que cela va être difficile. La différence de budget est énorme aujourd’hui. Le secret va résider dans la capacité à avoir un groupe toujours aussi soudé. Ce sont les joueurs les acteurs principaux. On a crée quelque chose de fort, et cela peut aider par la suite. C’est le meilleur groupe que j’ai construit en tant que coach, et j’irais jusqu’à dire que de toute ma carrière, y compris de joueur, c’est l’effectif le plus soudé que je n’ai jamais connu. On a des gens qui essaient de trouver des solutions au sein d’un comité que j’apprécié énormément, même si certains ont dépassé les bornes ces derniers temps.

Dépassé les bornes ?

Oui, et je pense qu’il est nécessaire d’en parler. Tout le staff et les joueurs ont le droit à une carte qu’ils peuvent transmettre à des membres de leur famille ou des amis pour assister aux rencontres du club. En coupe, ça n’est pas le cas. Mercredi, la femme de mon préparateur physique Mickael Pinto – un type exemplaire, qui bosse comme un malade – voulait venir à la rencontre. Elle ne savait pas que cela ne fonctionnait pas dans cette compétition. À l’entrée, quelqu’un qui appartient au conseil d’administration lui refuse très fermement l’accès au stade. Elle propose de payer en carte, encore une fois, très froidement, il lui dit non. Au final, elle n’a pas eu le droit de rentrer… Dimanche, elle revient pour le match de championnat, et cette fois, la carte doit logiquement fonctionner. Et là, cet homme a explosé, a eu des propos tout simplement inacceptables. Nous étions en train de faire notre échauffement, concentré à 100% sur notre match. Ce monsieur est venu sur le terrain, perturber ce qu’on faisait, et a insulté la femme de notre préparateur physique avec des termes que je ne répèterais pas tellement ils étaient scandaleux. Mika est quelqu’un de très calme, car sincèrement, si on avait parlé de ma femme dans ces termes, je n’aurais pas su me contrôler. On a été obligé de séparer tout le monde. J’ai coaché dans des divisions bien inférieures, et je n’ai jamais vu ça. Jamais. Et il faut que quelqu’un réussisse à remettre les gens en place, à cadrer le tout, mais cela n’arrive pas. Ce n’est pas mon genre de sortir ce genre de choses, mais il y a une vraie fatigue chez moi… 

De là à réfléchir à quitter le club en fin de saison ?

Ce genre d’évènements pèse sincèrement énormément dans ma réflexion à l’heure actuelle. Il y a vraiment un ensemble de choses qui me font hésiter… Je suis pour le moment encore là, à 200%, comme j’ai toujours été, que cela soit à Bissen, Pétange ou le F91. C’est difficile de répondre car sincèrement, je ne sais pas si je vais rester. Je suis quelqu’un de très compétitif. Je ne demande pas le budget d’Hesperange, mais il me faut quelque chose pour pouvoir continuer à titiller le Swift. Si cela n’est pas le cas, c’est compliqué d’envisager un avenir ici. Et pour l’instant, j’ai l’impression qu’on ne va pas dans ce sens, alors…

Qu’est-ce qui vous ferait rester ?

Si certaines choses changent, avant tout au niveau de l’organisation, pourquoi pas. Il faut une vraie séparation du sportif et du reste pour que ce genre d’évènements houleux ne se répète jamais. Ensuite, il faut pouvoir avoir une équipe compétitive. On ne peut pas continuer avec 17 ou 18 joueurs pour jouer le titre. Avec les blessés, les suspendus, ce n’est pas tenable… 

En cas de départ, savez-vous où vous voudriez aller ?

Ce n’est pas un secret que j’ai eu des touches très intéressantes au Portugal l’été dernier, mais aussi cet hiver. C’était une offre sincèrement très attractive. Maintenant, je ne suis pas sûr que cette opportunité se présentera une nouvelle fois. Je ne cache pas que je veux être dans un cadre professionnel, car vous pouvez demander à tout le monde ici, je donne ma vie pour le club, et j’aimerai sentir que tout est en place pour me permettre de réussir. Je reste toujours positif. Si je reste à Dudelange, cela sera avec l’état d’esprit que j’ai toujours eu, en donnant tout. Si je dois partir dans un autre club au Luxembourg ou à l’étranger, cela sera la même chose. Mais rien n’est fixé pour l’instant. C’est juste une période de sérieuse réflexion…

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