L’aviron luxembourgeois veut placer la barre plus haut

Sport olympique depuis la création des Jeux modernes en 1896 sous l’impulsion du baron Pierre de  Coubertin, l’aviron souffre aujourd’hui encore d’un déficit de popularité, notamment au Luxembourg, où le Luxembourg International Rowing Club tente de se faire une place au sein des sports nautiques. 

Apparu dans les universités d’Angleterre, où la rivalité entre Cambridge et Oxford est encore d’actualité, l’aviron a fait son arrivée au Luxembourg dans les années 90 et s’est peu à peu fait une place au sein du microcosme du sport luxembourgeois. « D’un point de vue uniquement sportif, c’est l’un des sports les plus complets au niveau physique. Tous les groupes musculaires sont sollicités : les pieds, les jambes, le dos, les bras… L’ensemble du corps fonctionne avec beaucoup de souplesse, il n’y a pas de geste brutal, donc ce n’est pas mauvais pour les articulations. Et en plus de ça, ça permet d’être en extérieur, au contact de la nature, sur l’eau. C’est un vrai plaisir » se réjouit Michel Fries, le président du Luxembourg International Rowing Club, seul club d’aviron présent au Luxembourg, plus précisément à Schwebsange, au nord de Schengen, sur les rives de la Moselle. 

Rien ne prédestinait pourtant ce Belge à devenir le président de la seule entité présente au Grand-Duché. « Il y a dix ans, j’ai intégré le club en tant que membre. J’habitais alors en Belgique et je ne connaissais pas du tout l’aviron. Quand je suis arrivé ici, j’ai habité au bord de la Moselle. Et j’ai trouvé ce club un peu au hasard », explique Michel Fries, qui a été suivi par sa femme dans la pratique de l’aviron. « De fil en aiguille, comme j’apportais beaucoup d’aide, des personnes du comité m’ont proposé de les rejoindre. Puis le président a laissé sa place, je me suis proposé et j’ai été élu. » Une passion développée au fil des années et qui ne s’est jamais estompée, en partie grâce à un état d’esprit. « Les gens qui pratiquent ce sport ont surtout un bel esprit. C’est aussi la force du sport : tout le monde est sur un pied d’égalité, peu importe le métier, la religion ou la langue. C’est très ouvert. »  

Un potentiel inexploité 

Il faut dire qu’avec « près de 25 nationalités », le Luxembourg International Rowing Club porte plutôt bien son nom. « Le club a été fondé en 1992 par plusieurs personnes venues d’Allemagne et d’Angleterre qui pratiquaient l’aviron dans leurs pays et ont décidé de créer une entité au Luxembourg, parce que ça n’existait pas encore. On a donc fêté nos trente ans d’existence l’année dernière. » Et trente ans plus tard, le club a toujours sa place au bord de la Moselle, à Schwebsange, et tente tant bien que mal de se développer. « On varie entre 90 et 110 membres chaque année de tous les âges, même si on travaille moins avec les tout jeunes, car nous n’avons pas les infrastructures nécessaires pour stocker tous les bateaux », regrette Michel Fries. Un aspect logistique qui pèse cruellement et qui aurait pu être réglé depuis quelques années. Car un projet qui date d’il y a déjà neuf ans n’a toujours pas abouti et semble aujourd’hui au point mort. « Il y avait un projet de hangar avec la commune de Schengen, pour pouvoir stocker tous nos bateaux, qui a capoté l’année dernière. Comme c’était un projet national, le ministère devait investir 70 % des coûts et Schengen 30 %. Mais au moment des appels d’offres, le coût des travaux a pratiquement doublé. Le projet des architectes est fait, mais le prix est désormais beaucoup trop élevé. Le ministère a bien voulu suivre, mais la commune s’est rétractée. Aujourd’hui, on a stoppé cet appel d’offres et on souhaite relancer un projet plus modeste, moins cher, et à un autre endroit. Pour moi, la question des infrastructures est une priorité absolue. » 

« On a un outil formidable avec ce bassin » 

Une épine dans le pied pour un club qui pourrait attirer bien plus d’adeptes compte tenu de sa localisation. « Les Allemands sont très contents de venir ramer ici car à Trêves, avec les vagues et le trafic, les conditions ne sont pas toujours optimales. On a un outil formidable avec ce bassin. » Et si le club ne fait pas de publicité tout au long de l’année, l’annonce du programme pour débutants permet d’attirer à chaque fois « entre 50 et 60 personnes par an. Sur tous ceux qui testent l’aviron, il y en a peut-être vingt qui restent et qui intègrent le club. De l’autre côté, vingt personnes quittent le club, on arrive à équilibrer tous les ans. » Un équilibre que le LIRC a déjà tenté de bousculer pour attirer un nouveau public, il y a quelques années de cela. « On a déjà contacté l’université de Luxembourg pour proposer aux étudiants de venir découvrir l’aviron. Une soixantaine d’étudiants étaient intéressés, mais pour concrétiser le tout, c’était compliqué. Il y a peu de moyens de transport pour arriver à Schwebsange, au bord de la Moselle. Et en plus de ça, on n’a pas les infrastructures pour les accueillir. » 

Un deuxième club dans le nord ? 

La Fédération luxembourgeoise des sociétés d’aviron (FLSA), créée en 2014, n’a pour l’instant pas eu le poids nécessaire pour faire beaucoup avancer les choses. « Elle est partie prenante des projets que l’on entreprend. Ce sont des membres du club, mais ils ont pour objectif d’en ouvrir un ailleurs » étaye Michel Fries. Un deuxième club au Luxembourg pourrait donc voir le jour dans les prochaines années. « Ce serait plutôt pour le nord du pays. On va régulièrement à Insenborn, à côté d’Esch-sur-Sûre, pour ramer le week-end. Il y a le potentiel pour ouvrir un club là-bas, mais il faut pouvoir concrétiser le tout et c’est la Fédération qui devrait se charger de ça. Ce serait en tout cas très positif et on pourrait réfléchir à faire une sorte de championnat à l’avenir. » En attendant, les membres du LIRC – pour les plus compétiteurs – participent à des régates en Allemagne, aux Pays-Bas et en France. « Il y a quelques personnes motivées pour participer à des compétitions, mais on reste un club plutôt axé sur le loisir. On fait beaucoup de randonnées où l’on se promène avec l’équipage. » 

« C’est un sport qui est resté authentique et qui mériterait d’être mieux considéré » 

Des randonnées qui se pratiquent été comme hiver, quand les conditions le permettent, et à tout âge. « Selon les conditions météorologiques, on peut ramer toute l’année, même en hiver ! Quand les conditions se dégradent, on abrite nos bateaux dans un hangar dans la commune plus loin, et on garde cinq bateaux dans la marina pour pouvoir ramer quand on veut. » Ramer seul… ou à plusieurs, selon les envies et l’objectif de chacun. « On alterne entre les yolettes, qui sont les bateaux avec quatre ou cinq rameurs et un barreur, et les skiffs, qui sont des avirons avec un seul rameur. Le skiff est très bon pour perfectionner sa technique. C’est là que l’on va voir les erreurs que l’on fait. À plusieurs, si vous faites des erreurs, vous n’allez pas forcément le voir parce que le reste des rameurs va compenser. Mais tout seul, une fausse pelle et vous vous retrouvez dans l’eau. » Les skiffs, mais aussi les 2 et 4 de couple de compétition, très utilisés au LIRC, sont « des bateaux plus rapides et plus instables, qui nécessitent une bonne maîtrise du mouvement et un bon équilibre pour éviter que le bateau ne tangue », explique le président du club.  

Pour y remédier, rien de mieux que de se perfectionner… ou de découvrir la discipline ! Tous les ans, dix sessions de deux heures sont programmées pour faire découvrir l’aviron aux nouveaux intéressés. Pour les compétiteurs, la Wäistrooss est organisée chaque deuxième week-end de juillet et des clubs venus d’Allemagne, de Belgique et de France viennent concourir sur cinq kilomètres entre Remich et Schwebsange. Pour un club qui repose « à 100 % sur la cotisation des membres », le maximum est fait pour faire vivre l’aviron au Luxembourg. Un sport que Michel Fries souhaite voir « un peu mieux considéré. C’est un sport qui est resté authentique, qui n’est pas commercial. L’objectif ultime d’un rameur d’aviron, c’est une médaille olympique, pas l’argent. » 

Bientôt le retour d’une équipe nationale ?  

Aujourd’hui, aucune équipe nationale d’aviron n’existe au Luxembourg. « La FLSA avait déjà sélectionné l’un ou l’autre rameur pour s’engager au niveau international, mais ça n’a jamais produit quelque chose. Il y a eu des tentatives qui n’ont jamais abouti, mais si à un moment donné l’occasion se représente… » Pas un objectif en soi donc, mais la promesse que la bannière luxembourgeoise pourrait à nouveau flotter dans les airs si un ou plusieurs rameurs luxembourgeois se prenaient un jour au jeu. 

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