Louis Pinto a été élu il y a quelques jours, avec 1167 voix, bourgmestre de Lintgen. Le premier d’origine portugaise dans l’histoire du Luxembourg. Six ans après avoir échoué de trois points, l’homme de 63 ans, né au Portugal, a devancé Jeff Herr et ses 980 voix.
À 63 ans, vous êtes le premier bourgmestre d’origine portugaise de l’histoire du Luxembourg. C’est une fierté ?
D’abord, pour être honnête, je n’y ai même pas pensé. Je voulais déjà être le premier dans ma commune d’abord. Il y a six ans, j’étais deuxième, mais aujourd’hui j’ai réussi à convaincre tout le monde. C’est ça, ma fierté.
Nos confrères de Virgule nous ont appris que le président portugais Marcelo Rebelo de Sousa vous a téléphoné. Il vous a donné quelques conseils ?
Il a téléphoné au mauvais moment, on était en train de fêter, il y avait peut-être une bière en plus (rires). Il m’a félicité et encouragé à continuer. Il est prêt à faire tout son possible pour nous aider.
Vous vous êtes présenté pour la première fois en 1999. Vous avez échoué de trois petits points il y a six ans. Qu’est-ce qui a fait la différence cette année ?
Il y a six ans c’était par tête, en majorité. Maintenant, c’est proportionnel. On est une équipe de 33 personnes, ça fait beaucoup. C’est déjà très bien que les gens m’acceptent ici, même en étant portugais, c’est déjà un plus. On m’a élu moi mais aussi mon groupe, dont fait partie mon premier échevin.
Vous êtes arrivé au Luxembourg à l’âge de 9 ans. Le déracinement n’a pas été trop difficile ?
C’est sûr que quand tu arrives en famille à Steinsel et que tu cherches à te faire des amis, ce n’est pas facile pendant un temps. On te rejette. Avec le temps, on trouve le moyen de se faire accepter en parlant la langue. C’était plus facile de s’intégrer à mon époque qu’aujourd’hui, parce que maintenant, on parle plusieurs langues au Luxembourg. Nous, on était obligé de savoir parler luxembourgeois.
Pourquoi avoir francisé votre prénom ?
Quand j’ai commencé à apprendre mon métier, l’idée était d’aller dans les communautés européennes. On me disait que j’avais une chance si j’étais luxembourgeois, pas portugais. Les pays pouvaient placer un certain nombres de personnes. J’avais donc tout intérêt à être luxembourgeois pour mon avenir. À l’époque, on ne pouvait pas garder les deux, donc j’ai dû abandonner la nationalité portugaise. Aujourd’hui, je n’ai plus d’intérêt à la reprendre. Je reste portugais dans le cœur, je ne peux pas le nier. J’aime aller en vacances au Portugal, mais ma vie est ici.
Vous avez travaillé comme relieur, puis dans une imprimerie. À quel moment la politique est venue s’installer dans votre quotidien ?
C’est venu grâce à mon métier. Dans l’imprimerie où je travaillais, il y avait la Fédération Luxembourgeoise des Travailleurs du Livre, la plus ancienne fédération du pays. J’avais un ami qui travaillait avec moi comme relieur qui m’a sollicité pour que j’intègre le comité. J’avais à peine 21 ans, j’avais d’autres choses à faire. Il a insisté, il m’a inscrit et je suis venu. Avec le temps, je suis devenu secrétaire. Seuls les ouvriers pouvaient en faire partie, donc est arrivé un moment où nous étions en manque de membres. Je me suis pleinement engagé dans les années 90. Je me suis montré dans les clubs, j’ai discuté avec tout le monde. J’ai vu que ça me plaisait et m’intéressait et que les gens m’appréciaient, donc je n’ai jamais baissé les bras. Mais ça prend beaucoup de temps, la famille passe souvent en deuxième position.
Craignez-vous un manque de crédibilité auprès des Luxembourgeois ou, au contraire, avec l’importante communauté portugaise, ça peut être une force ?
Quand on m’a donné l’opportunité de diriger la commission d’intégration, j’ai pu rencontrer tout le monde, les Luxembourgeois et les non Luxembourgeois. On parle de leurs besoins, on intègre tout le monde et on fait tout type de fêtes : chinoises, indiennes… Pendant ces fêtes, je présentais et je faisais les discours et ils m’ont encore plus fait confiance. Cette année, le bourgmestre ne s’est pas représenté. Comme je suis déjà échevin, je sais ce qu’il se passe à la commune, donc je pense que c’est pour cette raison qu’ils ont voté pour moi.
Dans votre vie personnelle, vous avez été joueur et entraîneur de foot. C’est une part importante de votre vie aussi ?
J’ai toujours joué à Steinsel, ma première commune au Luxembourg. J’ai joué des scolaires jusqu’en équipe première. Ensuite, j’ai entraîné toutes les catégories, des scolaires jusqu’aux vétérans. J’ai entraîné l’équipe première en première division. J’étais entraîneur de l’équipe réserve et des espoirs. Ils avaient viré l’entraîneur de l’équipe première et j’avais repris l’équipe en cours de route. Ils voulaient que je reste, mais je ne voulais pas. C’est un stress totalement différent. Je garde un excellent souvenir de mon parcours dans le foot. Maintenant, comme je suis à Lintgen, évidemment, je ne peux pas y retourner. Ici aussi ils ont un terrain, donc je ne peux pas dire que je suis supporter de Steinsel (rires).
Et au Portugal, vous êtes plutôt Porto, Benfica ou Sporting ?
Je suis à fond Porto, vous pouvez l’écrire en grand (rires) ! C’est le club de ma région, l’équipe que j’allais voir quand j’étais petit avec mes grands frères. J’adorais l’ambiance.
Le sport fait donc partie de vos priorités d’actions ?
Comme mon fils fait partie du comité du club de foot de Lintgen, s’ils ont besoin de quelque chose, il y a forcément un lien plus direct. D’ailleurs, ils vont avoir un nouveau terrain synthétique, c’était déjà prévu avec l’ancien maire. Des lumière led aussi vont être installées. Tous les clubs de sport peuvent avoir ce qu’ils demandent. On a voté cette semaine l’acquisition d’une machine à tracer les lignes dernier cri, l’une des plus modernes, qui fonctionne toute seule. Cet outil va nous permettre d’économiser 200L de produit par année.
Vous avez déclaré chez nos confrères de Virgule vouloir construire en priorité des maisons et des appartements à un prix abordable pour les jeunes. Pourquoi est-ce votre priorité numéro 1 ?
Je viens d’une famille portugaise, j’ai vu mon père et mes frères se battre pour avoir des aides. Aujourd’hui encore, même s’il y en a, je vois que mes fils éprouvent des difficultés à obtenir un prêt. Les intérêts sont très hauts. Dans notre groupe, où notre nom est déjà social, on a décidé d’agir. On a prévu de vendre ou louer au prix de revient 10 nouvelles maisons individuelles. On va également avoir 8 appartements à Gosseldange. Avec la nouvelle loi, chaque promoteur d’un nouveau quartier doit donner 25% de son terrain à la commune, donc on va récupérer une quarantaine d’appartements. Évidemment, la priorité est pour les habitants. S’il en reste encore, la priorité est, dans un second temps, aux personnes qui travaillent ici mais vivent à l’extérieur, par exemple.