Où en est le basket luxembourgeois ?

Après une saison passionnante en championnat et une sélection qui obtient de plus en plus de résultats probants, Mental ! a décidé de rencontrer plusieurs acteurs du basket luxembourgeois (présidents, entraîneurs, joueurs, fédération, supporters) afin de savoir où en était le deuxième sport du pays. Niveau du championnat, formation des jeunes, professionnalisation, évolution de la sélection, tribunes, médiatisation, ambition, aucun sujet n’a été laissé de côté. Prenez la balle au bond et rejoignez-nous dans la raquette !

21 mai, 23 h. La fête est totale, la fête est belle sur le parquet de Steinsel. L’Amicale vient de décrocher le titre de champion de Luxembourg Basketball League en battant le T71 Dudelange en finale, 87-68, dans un match 5 à sens unique où Bobby Melcher était sur un petit nuage, mais au terme d’une série incroyable d’intensité, de spectacle et de suspense. Pour ce dernier round, le gymnase Alain Marchetti est plein à craquer, l’ambiance est bouillante. On se dit que le basket luxembourgeois a quand même fière allure !

Quelques semaines s’écoulent, la tension et l’adrénaline retombent, et l’envie nous prend alors de nous poser, de prendre du recul et d’essayer, à travers le regard des multiples acteurs, qu’ils soient entraîneurs, joueurs, présidents, membres de la fédération ou supporters, de dresser une sorte d’état des lieux (non exhaustif, évidemment) du deuxième sport du pays.

Quel est le niveau réel ?

Et la première question qui nous vient en tête est : quel est le niveau réel de ce championnat ? Les supporters, en tout cas, n’ont pas l’air de se plaindre si l’on écoute Sam Alves, ex-joueur du Basket Esch et fondateur du groupe de supporters des Mighty Minetter : « Le championnat est devenu plus équilibré les deux dernières années, il y a eu de vraies surprises, notamment en coupe. Et ça fait plaisir, parce que de 2012 à 2018, il n’y avait que deux équipes qui se battaient pour le titre (Dudelange et Steinsel). C’est bien que ça change un peu et d’avoir du suspense ! Et puis il y a de plus en plus de jeunes Luxembourgeois qui parviennent à intégrer les équipes premières. On l’a vu en finale et pendant les playoffs, avec des joueurs qui ont pu faire 15 ou 20 minutes sur le parquet dans des moments décisifs. » À hauteur de parquet, ceux-ci analysent les choses peut-être un peu différemment. Comme Tom Konen, 25 ans, fraîchement sacré champion avec l’Amicale, et qui a fêté sa première sélection l’été dernier contre le Portugal et l’Albanie : « Je dirais que le niveau a peut-être un peu baissé, et cela peut en partie s’expliquer par le départ à la retraite sportive d’anciens joueurs très importants, qui ont joué ici pendant des années. Il y a beaucoup de potentiel avec les jeunes qui arrivent, mais ils doivent mûrir. On est dans une espèce d’entre-deux, une phase de transition. Mais je suis convaincu que tout cela va monter dans les années à venir. C’est quelque chose qui prend du temps. » Mais le championnat reste « intéressant » selon Pit Biever, joueur emblématique du Basket Esch, vainqueur de la Coupe cette saison. La preuve, « des joueurs professionnels partis à l’étranger reviennent chez nous l’an prochain, comme Thomas Grün ». Tom Konen abonde : « Il faut qu’on améliore la promotion de ce championnat pas si pourri que ça ! Le niveau est plus resserré, les Américains viennent plus facilement aujourd’hui qu’à une autre époque et restent plus longtemps. » Certains ne repartent même plus du tout, comme Clancy Mac Rugg, qui évolue à Esch depuis des années et a même fini par intégrer la sélection luxembourgeoise.

Marcel Wagener, président du T71 Dudelange depuis 2004, et qui va entamer sa 19e saison après déjà 6 titres et 5 coupes chez les hommes et 2 coupes et 3 titres chez les femmes, reprend en partie le constat de Tom Konen et y voit une chance pour certains : « C’est difficile à dire, mais disons que le niveau stagne. Des joueurs hors du commun ont arrêté leur carrière, comme Tom Schumacher, Franck Siebenbour, Nelson Delgado, d’autres sont partis à l’étranger comme Alex Laurent ou Ivan Delgado, ça laisse forcément un vide… Il reste tout de même des Bobby Melcher, Philippe Gutenkauf, Joe Kalmes, Kevin Moura. Mais je pense que ce vide est une opportunité pour nos jeunes, qui étaient peut-être écrasés par la classe de ces joueurs. Maintenant, c’est à eux de prendre la place. J’espère qu’ils pourront montrer ce dont ils sont capables en sentant qu’ils ont plus de liberté. » Michel Reiland, autre mastodonte du basket, 59 ans, dont 29 en tant que joueur à Contern – « j’ai vécu les up and down de Nationale 1 et de champion en titre, les montées, les relégations, trois coupes gagnées » – entraîneur pendant vingt ans dans les sélections nationales, aujourd’hui vice-président de la fédération, donne son point de vue : « Le niveau était peut-être un peu moins élevé que les années précédentes, mais je n’en suis même pas sûr. Les débats ont été équilibrés, tout le monde pouvait battre tout le monde, et ça a ajouté du suspense. »

Franck Mériguet, 48 ans, ancien international français, a posé ses valises à Esch il y a déjà douze ans et a même pris la sélection nationale pendant deux ans. Une expérience qui permet à l’entraîneur du Basket Esch de poser un regard expert sur la situation : « Depuis douze ans, on s’est beaucoup mieux structurés, on a beaucoup d’entraîneurs étrangers diplômés. Il y a aussi de très bons entraîneurs luxembourgeois, de vrais formateurs, comme Ken Diederich, qui a entraîné Dudelange et qui est maintenant sélectionneur de l’équipe nationale. Sur le niveau, j’ai envie de dire que l’évolution n’est pas énorme, on va être honnête. Pour moi, il stagne. Le seul point positif est que beaucoup de Luxembourgeois ont commencé à avoir des contrats pros à l’étranger. Là, cette année, il y en a quelques-uns, comme Ben Kovac par exemple. Pour l’équipe nationale, c’est intéressant. Il y a douze ans, quand je suis arrivé, il n’y en avait quasiment pas. Le problème de notre championnat, c’est qu’un bon Luxo ici, il va s’entraîner quatre fois par semaine. Alors que s’il part dans une structure professionnelle à l’étranger, il va forcément progresser, en s’entraînant deux fois par jour. Il va bosser individuellement, et on ne peut pas encore offrir ça aux joueurs au Luxembourg. On n’a pas les moyens. »

Ouvrir davantage aux pros ou statu quo ? L’éternel débat

Les commentaires sur le niveau du championnat font automatiquement venir sur la table une question récurrente, qui revient chaque année dans le milieu du basket au Luxembourg : faut-il permettre l’augmentation du nombre de professionnels (les Américains) par équipe, aujourd’hui limité à deux, ou au contraire préserver ce modèle unique en Europe, qui laisse la part belle aux joueurs locaux ?

Michel Reiland tient à cette particularité : « On a eu la chance il y a une dizaine d’années d’obtenir cette limitation à deux pros, deux étrangers, quand il n’y en a pas partout ailleurs en Europe. Si ça ne tenait qu’à moi, je n’y toucherais plus jamais ! Parce que chaque club a ses propres intérêts et chaque année les intérêts changent, donc nous, à la fédération, on est un peu les gardiens d’un certain cadre. Un exemple tout récent sur les intérêts qui évoluent : Contern n’est pas relégué cette année, ils votent pour dix équipes en Nationale 1. Mais s’ils avaient été relégués, ils auraient sûrement voté pour douze équipes ! »

Du côté des entraîneurs, sur le bord des terrains, la tendance est pourtant à davantage de souplesse, à une ouverture, comme le confirme Franck Mériguet : « Je ne serais pas contre autoriser trois étrangers professionnels, officiellement. Certains disent “on va tuer le basket luxembourgeois en faisant ça”, alors que pour moi, si tu amènes trois professionnels dans un club, ça veut dire que t’as trois mecs de haut niveau à l’entraînement. Et là, les Luxembourgeois à fort potentiel vont progresser plus vite. Après ça dépend de ce que l’on veut… C’est sûr que les “fils de”, les joueurs moyens, vont moins jouer. Et quand j’entends certains dire “oui mais tous les clubs n’ont pas les mêmes moyens”, j’ai envie de leur répondre que c’est le principe de tous les championnats et dans tous les sports ! En Ligue 1, en France, tu as le PSG, un peu en dessous il y a Marseille, Lyon, Monaco et puis t’as Angers et compagnie, voilà. »

L’entraîneur belge Étienne Louvrier, champion avec l’Amicale Steinsel cette année, prend encore moins de pincettes que son homologue français : « Ce système est archaïque, avec cette limitation à deux pros. Il faut s’ouvrir ! Et respecter la même règle européenne que les autres pays : six joueurs européens et six non européens. Il y a les moyens au Luxembourg pour professionnaliser davantage ce championnat. Et il faut arrêter de dire que les pros prennent la place des Luxembourgeois… Plus il y aura de pros et plus les Luxembourgeois progresseront en évoluant à leurs côtés, c’est d’une évidence ! En face, il y a cet argument de fatalité, de dire qu’ils ne joueront pas si on ouvre aux pros. S’ils élèvent leur niveau de jeu, ils joueront ! Il s’agit d’une question générale de mentalité : ici, on met une cuillère en argent dans la bouche des joueurs locaux et on se satisfait de ce qu’on a. »

Un discours qui détonne et qui a le mérite de la franchise. Marcel Wagener, le président du T71 Dudelange, tente quant à lui d’apporter un équilibre dans ce débat passionnant à l’issue sans cesse reportée : « Notre proposition depuis trois ans est la suivante : prenez autant de joueurs pros JICL (formés au Luxembourg – si un jeune Slovaque, Grec, Serbe, Italien, fait ses classes au Luxembourg, il devient JICL –) ou non JICL que vous voulez, mettez trois JICL sur le terrain et après tout le monde sait à quoi s’en tenir. Malheureusement, on a échoué à deux ou trois reprises. Tu peux prendre quatre professionnels dans ton cadre si tu veux, mais il n’y en a que deux en même temps sur le parquet. C’est un bon compromis. » Un entre-deux qui pourrait convenir à Ken Diederich, sélectionneur de l’équipe nationale : « C’est une question que l’on se pose depuis des années. À la base, je suis pour deux pros. Après, c’est vrai que s’il y en a trois, cela peut être bénéfique pour le niveau. Cela risque de bouger l’an prochain. L’idéal selon moi, c’est trois pros dans le cadre et deux seulement en même temps sur le terrain. » Côté joueurs, certains sont dubitatifs, comme Tom Konen : « Deux c’est bien… Les Américains font déjà souvent la loi sur le terrain, ce n’est peut-être pas une solution d’en ajouter un troisième. Cela risque quand même d’entamer la confiance des Luxembourgeois, qui prendront encore moins de tirs. » Pit Biever, le meneur de jeu du Basket Esch, dit à peu près comme son entraîneur : « Cela dépend de ce que l’on veut. Si on se satisfait de ce statut semi-pro et de ce niveau, on reste à deux. Sinon, il faut ouvrir et augmenter le nombre de pros par équipe, il faut décider. »

Le vice-président de la fédération élargit la question : « Honnêtement je suis ouvert, c’est une réflexion. J’ai vu la tendance de certains entraîneurs, et notamment des entraîneurs étrangers, qui viennent et qui gèrent. Ils ne forment plus, et c’est un grand problème. On peut ouvrir… je n’ai pas de problème avec le fait qu’il y ait trois ou quatre professionnels, mais alors il faut former dans le même temps. Mais si c’est comme maintenant, ça ne peut pas marcher. L’entraîneur vient, prend ses trois pros, il gère son entraînement, c’est tactique à crever. Pour ce qui est de la tactique et du collectif, on a beaucoup progressé, et j’apprécie le travail fait notamment par les entraîneurs étrangers qui apportent de nouvelles choses, une autre vision. Mais on ne travaille pas assez individuellement et on ne forme plus, c’est la critique principale que je peux faire. Mais c’est parce que les clubs veulent des résultats immédiats aussi ! Regardez Denis Toroman à Dudelange… C’est un formateur, mais il n’a pas eu assez de temps pour réussir. Et on a encore moins de patience avec un coach luxembourgeois, on les paye moins et on est plus exigeants. L’idéal serait de parvenir à mener les deux de front, professionnalisation et formation, mais c’est difficile. S’il y avait une recette miracle… »

Tout miser sur la jeunesse et sur la sélection

La formation, c’est l’axe principal au cœur de la révolution dans le basket luxembourgeois ces dernières années, notamment pour faire progresser toujours plus la sélection. Les progrès sont visibles déjà au niveau des clubs : « Si je compare à mes débuts, le niveau des entraîneurs a augmenté, on n’en recrute quasiment plus sans diplôme. Ça coûte, mais ça vaut le coup, il s’agit d’un bon investissement. La plupart des clubs ont aujourd’hui des entraîneurs qualifiés. Les subsides du ministère, notamment celui qualité + qui exige d’avoir des coachs diplômés, poussent dans ce sens, et c’est une excellente initiative », témoigne Marcel Wagener, le président du T71. « On tarde quand même à sortir de vrais talents chez les garçons. Chez les filles, ça marche mieux. Je l’explique par une plus grande concurrence que nous font le foot et le hand chez les garçons. Chez les filles, je pense que le basket reste le sport collectif numéro 1. »

Franck Mériguet, entraîneur du Basket Esch, remarque lui aussi les progrès des dernières années, surtout le travail fait par la fédération : « Il y a une bonne structure, ils mettent les moyens. Les joueurs du cadre s’entraînent en plus de leurs séances en club. C’est un système qui fonctionne. » Même s’il peut parfois faire grincer quelques dents. « La fédé bouge et c’est bien, même si les jeunes, les U18 surtout, doivent être tous les lundis et mardis en entraînement à la fédé et ça dégoûte un peu les clubs », souffle Étienne Louvrier, le coach de l’Amicale.

Mais la nouvelle pierre angulaire des échanges entre clubs et fédération, Ken Diederich, fait avancer les choses, comme le souligne Michel Reiland : « Il a été entraîneur à Dudelange, donc il comprend les problématiques. Il a su nouer un bon contact avec les clubs. » Surtout, le sélectionneur – et désormais head of basketball – à la fédération, a un plan pour permettre aux jeunes Luxembourgeois de passer des paliers afin de préparer l’avenir et notamment celui de la sélection : « Le but principal est de repérer les jeunes qui ont l’envie et le potentiel pour partir et devenir pros à l’étranger, et notre rôle est de les accompagner. Avec la sélection, on a sûrement atteint un plafond, et si on veut passer un cap supplémentaire, il faut en passer par là. Après, ici, on a aussi des infrastructures quasi pros, pour qu’ils grandissent dans de bonnes conditions avant de prendre leur envol. Mais on a changé beaucoup de choses les dernières années, un gros boulot est fait et on en récoltera les fruits dans celles qui viennent. De plus en plus de jeunes Luxembourgeois partent chaque année jouer en universitaire aux États-Unis et ça, c’est grâce au boulot effectué à la fédération. On a aussi réussi à changer la mentalité en sélection les dernières années : à mon époque, quand on perdait de vingt points seulement, on était contents. Aujourd’hui, on veut absolument gagner et on en est déjà à six ou sept victoires ! Et c’est très important, car la sélection est la locomotive du basket luxembourgeois. » On sent l’enthousiasme et toute la passion dans la voix d’un sélectionneur hyper influencé par la culture américaine, par la NBA, à tel point qu’« il peut quasiment apporter le regard d’un étranger, tout en étant luxembourgeois », selon Michel Reiland. Sur sa lancée, Ken Diederich souhaite ajouter : « On a même embauché un coach qui ne fait que du tir avec les jeunes. On professionnalise de plus en plus tout l’accompagnement et l’encadrement. On a vraiment passé un cap. Je vous le dis, beaucoup de joies nous attendent avec le basket luxembourgeois ! »

Marcel Wagener comprend que la sélection soit une priorité, mais précise que les clubs ne peuvent alors pas faire de miracles : « Pour tirer l’équipe nationale vers le haut, oui, les joueurs doivent partir… Malheureusement, la sélection c’est combien de matchs par an ? Et les matchs en clubs, combien de fois ? On ne peut pas d’un côté dire “on prend tous ceux qui sont au-dessus de la moyenne et on les envoie dans des clubs à l’étranger” et s’étonner dans le même temps que le niveau du championnat n’augmente pas. Il faut trouver le bon équilibre. Mais on n’en est pas loin… »

Surtout que certains coachs font le job pour permettre à la jeunesse de prendre toute sa place, comme l’explique Tom Konen, l’international de l’Amicale : « Plus les jeunes jouent, plus ils progressent. Le futur, ce sont eux. C’est pour ça qu’il est important de les intégrer à l’équipe et c’est ce que fait Étienne Louvrier chez nous. » C’est comme ça que Steinsel s’est retrouvé avec des jeunes qui ont eu un temps de jeu de 15-20 minutes dans des moments clés, en playoffs. Et le club a décroché le titre au bout ! « Et c’est bon quand tu veux bâtir sur la durée. À Dudelange par exemple, il n’y a aucun jeune de chez eux qui joue dans leur équipe première. Donc quand t’as une année où ça se passe mal, tu as des joueurs qui partent sans avoir un stock de jeunes pour combler ce vide », poursuit Tom Konen.

Médiatisation, affluences et groupes de supporters

Au-delà du niveau et de la formation, on a voulu demander aux acteurs du basket luxembourgeois ce qu’ils pensaient de la médiatisation de leur sport. Et s’ils la trouvent globalement à la hauteur, une réflexion revient souvent : la place des femmes !

« Il y a un gros déséquilibre avec elles… Elles jouent un super basket, attrayant, et j’ai des regrets quant à leur couverture médiatique », soupire Marc Wagener. Même écho du côté de Michel Reiland : « Moi je trouve que ce n’est globalement pas assez, et que c’est pire pour les femmes. Quand elles gagnent la médaille aux Jeux des petits pays l’an passé, il n’y a pas grand-chose. Elles méritent d’être beaucoup plus mises en avant. Pour la sélection masculine, ce n’est pas assez non plus, alors qu’on fait des résultats plus probants que le foot, même si eux aussi ont beaucoup progressé. Mais on bat la Grande-Bretagne, l’Albanie deux fois… On a de bons journalistes dans le basket luxembourgeois aujourd’hui, mais leurs quotidiens ne leur laissent pas assez de place. »

La mise en place des Live Arena par RTL qui permet de regarder les matchs en direct est en tout cas appréciée des amateurs de basket. Même si le modèle économique est pour l’instant imparfait, et c’est le moins que l’on puisse dire : « Ce n’est pas normal que les clubs ne touchent pas de compensation financière de RTL pour la diffusion des matchs. On nous parle de faire défiler des bandeaux sponsors sur le site les soirs de match, mais pour l’instant ça ne marche pas. La situation n’est pas satisfaisante », dénonce le président du T71 Dudelange. Surtout que selon lui, outre l’effet covid, cette nouvelle diffusion a elle aussi participé à une légère baisse de l’affluence dans les gradins : « Cela ne représente peut-être pas beaucoup de monde, mais une cinquantaine de personnes par match je dirais. »

Les salles ont néanmoins connu quelques belles affluences cette année, surtout lors de playoffs où l’on a vu des ambiances de folie sur certains matchs, encore plus au cours de la série de la finale. Et pour celle de la Coupe, la Coque a accueilli entre 3 000 et 3 500 spectateurs. Mais pour animer les gradins toute l’année et apporter une touche de folie supplémentaire, certains ont décidé de s’impliquer encore davantage. Comme Sam Alves, 23 ans, joueur du Basket Esch pendant douze ans qui, une fois reposé des parquets, s’est demandé comme il allait pouvoir continuer d’aider son club. Il a alors créé en 2019 le groupe de supporters des Mighty Minetter. « L’idée m’est venue après une finale des espoirs. J’avais plein de potes dans l’équipe, Ben Kovac, Denilson, Ramos, Jeffry Monteiro… Avec d’autres amis, joueurs, familles, on avait des tambours, je mettais de la musique pendant les time out. C’est la première fois qu’on se réunissait comme ça, tous ensemble. C’était super et on s’est dit qu’on devait garder ça. Alors au début de la saison 2019/2020, on a commencé à six ou sept, on était tout petits. Maintenant, pour la finale de la coupe par exemple, on était une centaine ! Et on est entre trente et quarante membres permanents sur la saison. »

Une sacrée avancée en matière de supporterisme, qui permet de mettre une belle ambiance dans les gradins du Basket Esch. « C’est fantastique ce qu’ils font ! T’as des jeunes qui gèrent ça, des anciens qui les rejoignent, ils nous suivent partout, on a clairement passé un cap à ce niveau-là », se réjouit Franck Mériguet, le coach de l’équipe première. Et Sam Alves espère bien que l’activité de son kop donnera des idées aux supporters des autres clubs : « Ce serait top que les groupes se multiplient, ça créerait une dynamique et une concurrence entre supporters, il y aurait un match sur le terrain et un autre dans les tribunes ! Le message que je veux également faire passer c’est que notre groupe, et surtout le noyau dur, suit et soutient notre équipe du tout premier jusqu’au dernier match, dans les bons comme dans les mauvais moments, et pas que sur les playoffs ou les phases finales. Si de plus en plus de monde adopte cette mentalité, ce désir d’encourager son équipe et cet esprit de fidélité, je suis certain qu’il y aura une très grosse évolution au niveau du public et que les gradins seront blindés de façon beaucoup plus régulière. »

De leur côté, certains présidents réfléchissent également à diversifier les animations pendant le match, pour tenter d’attirer toujours plus de public : « Parce que 80 % des gens qui viennent, ils s’en foutent du niveau. Ils viennent voir du spectacle, du suspense, de l’event, pour la fête et passer un bon moment ensemble. C’est pour ça qu’à un moment, j’avais réfléchi à contacter des speakers professionnels belges pour commenter les matchs en live dès que ton équipe entre dans la partie adverse. C’est une idée qu’on pourra peut-être expérimenter un jour. »

À la fédération, après des années de travail, mais peut-être aussi un peu de ronronnement sur certains sujets, les dirigeants ont visiblement compris le besoin de prendre le virage de la modernité : « On a rajeuni l’équipe, notamment avec le président Samy Picard. On fait des efforts pour communiquer davantage, pour gagner en visibilité. On accentue notre présence sur les réseaux sociaux, on a bien compris que c’est là qu’est notre jeunesse », précise Michel Reiland.

Après cette tournée des parquets, bureaux de présidents, vestiaires d’entraîneurs et de joueurs, tribunes avec certains supporters et dirigeants de la fédération, on se rend compte que les problématiques qui animent le basket luxembourgeois sont multiples, parfois clivantes, toujours passionnantes. On ne peut que constater les progrès réalisés dans plusieurs domaines, notamment celui de la formation, et les pas de géants faits par la sélection nationale ces dernières années. On a également pu mesurer la volonté de nombreux acteurs d’avancer, d’échanger, de réfléchir encore et toujours à l’amélioration des structures, des formules, des formats, pour grandir et se développer. Il existe évidemment des résistances ici et là, mais n’est-ce pas normal ? On ne change pas les choses du jour au lendemain. Mais ce qui est sûr, c’est que le basket luxembourgeois vit, rassemble, fédère, et que, pour reprendre une nouvelle fois la phrase du sélectionneur national Ken Diederich, « de grandes joies l’attendent ».

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